Epreuves, exorcismes, 1940-1944 de Henri Michaux
Editeur : NRF Gallimard
Année de sortie : 1999
Nombre de pages : 108
Synopsis : «Il serait bien extraordinaire que des milliers d’événements qui surviennent chaque année résultât une harmonie parfaite. Il y en a toujours qui ne passent pas, et qu’on garde en soi, blessants. Une des choses à faire : l’exorcisme. Toute situation est dépendance et centaines de dépendances. Il serait inouï qu’il en résultât une satisfaction sans ombre ou qu’un homme pût, si actif fût-il, les combattre toutes efficacement, dans la réalité. Une des choses à faire : l’exorcisme. L’exorcisme, réaction en force, en attaque de bélier, est le véritable poème du prisonnier. Dans le lieu même de la souffrance et de l’idée fixe, on introduit une exaltation telle, une si magnifique violence, unies au martèlement des mots, que le mal progressivement dissous est remplacé par une boule aérienne et démoniaque – état merveilleux ! [...] Pour qui l’a compris, les poèmes du début de ce livre ne sont point précisément faits en haine de ceci, ou de cela, mais pour se délivrer d’emprises. La plupart des textes qui suivent sont en quelque sorte des exorcismes par ruse. Leur raison d’être : tenir en échec les puissances environnantes du monde hostile.» Henri Michaux.
Avis : J’avais un mauvais a priori sur ce livre : j’aime beaucoup la poésie versifiée, et j’ai parfois plus de mal avec la poésie en vers libre, parfois plus hermétique.
Ici, certes, certains poèmes peuvent paraître hermétiques, mais l’intensité des mots de Michaux reste la même. L’auteur exprime ici son dégoût de la guerre, ce qu’elle fait des hommes, la honte qu’elle leur fait ressentir, la mort qu’elle sème à chaque pas. Contre elle, le poète n’a que l’écriture, d’un style martelé, saccadé, qui nous donne l’impression de coups donnés verbalement. Parfois, ce sont des sentences que l’on lit, et parfois des supplications. De multiples émotions sont transmises par les mots : la colère, la tristesse, la résignation, le désespoir. L’hermétisme que l’on peut trouver ici est dû au fait que Michaux ne dit jamais les choses directement, mais passe par des images, qui, si elles ne sont pas comprises par le lecteur, ne lui offrent pas la clé du poème. Des figures sont utilisées, comme Lazare, mais aussi des images, comme celle du tunnel. Ces poèmes relatent des épreuves, et cela se sent : la souffrance et la douleur sont toujours présentes, même en arrière-fond, même de manière sous-jacente. Ce peut être celle du sujet lyrique, d’un je donc, ou d’autres personnes dont le je parle, qu’il a vues, pour lesquelles il souffre parce qu’il n’a rien pu faire. Les exorcismes eux aussi sont « lisibles » : le sujet lyrique veut conjurer la guerre, veut la mettre à distance, s’en débarrasser par l’écriture. Les mots sur le papier sont une façon de se défendre, de survivre à la guerre, mais aussi de la faire voir aux lecteurs, de faire comprendre ce que c’est que de vivre la guerre. L’espérance est tout de même présente à petites doses, même si la foi en l’humanité est ébranlée sans retour.
Petit bémol, qui n’a rien à voir avec l’œuvre en elle-même : les éditions NRF sont assez chères, et pourtant, les premières cinquante pages de mon édition sont décollées. Petite déception.
En définitive, un recueil qui se propose d’exorciser la guerre à travers des poèmes plus ou moins hermétiques, mais qui font ressentir aux lecteurs la souffrance, la honte, le dégoût de l’auteur pour cette période noire de l’humanité.
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