Confession d’un masque de Yukio Mishima
Editeur : Folio
Année de sortie : 1984
Nombre de pages : 247
Synopsis : Dans ce roman aux résonances autobiographiques, Mishima a peint un personnage qui se bat continuellement contre ses penchants homosexuels. Il cherche à les dissimuler aux autres et à lui-même. Le récit de son amour pour la sœur d’un de ses camarades nous conduit, à travers les années d’enfance et d’adolescence, vers un dénouement désespéré.
Avis : J’étais intriguée par ce livre, à la fois par son titre et par sa couverture. Le synopsis présageait un roman d’apprentissage fait dans la douleur et la solitude.
Le lecteur plonge ici dans la vie du narrateur – apparemment assez proche de celle de l’auteur lui-même – en partant d’une anecdote qui le rend déjà différent des autres, enfant. Il explique par la suite comment il a été éduqué : par sa grand-mère, qui ne voulait pas laisser l’enfant à ses parents. Déjà, son enfance est spéciale. Le livre étant divisé en quatre parties, elle est racontée dans une première partie, assez petite comparée aux autres. Par la suite, l’enfant grandit et commence à se découvrir : le roman d’apprentissage commence. Peu à peu, les désirs de l’enfant, puis de l’adolescent s’éveillent, mais ils ne semblent pas « normaux » comparés à ceux de ses amis. Dans tout le livre, jamais le mot »homosexualité » n’est mentionné. Le narrateur ne parle que de ses »mauvaises habitudes », et de ce qu’il voit dans ses moments-là. Au début, rien de choquant : il pense à des hommes, et ne ressent aucun désir pour les femmes. C’est par la suite que j’ai commencé à me sentir mal : la sexualité du narrateur est liée à la mort, au sang, à la souffrance, à la torture. Il n’imagine que des scènes de ce genre. J’ai trouvé ça très malsain, pervers, et j’ai vraiment eu du mal avec ces scènes : elles m’ont choqué. J’ai du mal à accepter le fait qu’on veuille faire du mal à ceux qui nous attirent, ou à ceux qu’on aime. Le narrateur se rend d’ailleurs compte que c’est immoral, mais il n’y peut rien : il pense de cette façon, un point c’est tout. A partir de ces scènes, la lecture est devenue difficile. De plus, le narrateur veut se convaincre qu’il est normal, et tente de tomber amoureux de la sœur d’un de ses amis : les scènes où il parle de ce qu’il ressent m’ont vraiment fait mal … Concernant l’écriture, il est indéniablement qu’elle est excellente, poétique parfois, toujours dans la réflexion et le besoin de mettre des mots sur ce que l’on ressent.
Le narrateur – dont on ne connaît pas le nom – est un jeune homme perdu qui veut se convaincre qu’il est normal, et veut même s’obliger à l’être. Il a compris, enfant, que ses désirs n’étaient pas comme ceux des autres, et qu’il était attiré par les hommes. Les femmes n’exercent sur lui aucune attraction, même s’il en trouve certaines très belles, ou qu’il pense être amoureux parfois. Son désir le porte vers les hommes, et même, vers des hommes très différents de lui. Le premier qui l’attire va engendrer une attraction vers le même type d’homme toute sa vie. Le langage du narrateur n’est jamais cru, jamais choquant, et ne va jamais dans le détail. Sa famille m’a semblé assez spéciale : sa grand-mère exige de l’éduquer et l’obtient sans protestation de la part de ses parents. Il mène donc une vie solitaire, excepté quand il est à l’école, auprès de ses amis. Sonoko est la jeune fille dont il va tenter de tomber amoureux : il se force à ressentir des choses, et ses efforts m’ont fait mal au cœur. Il va tellement loin dans ses déclarations, qu’il se voit piégé. Sonoko est charmante, pure, elle ne sait rien de ce que ressent vraiment le narrateur. Elle le voit comme tout garçon « normal », et pense qu’il l’aime vraiment. J’ai trouvé les scènes qui la concernaient assez cruelles, même si ce n’était pas l’intention du narrateur. Elle croit véritablement à son amour, et se leurre sans s’en rendre compte. D’autres personnages apparaissent ici, comme Omi, un jeune homme plus âgé que le narrateur dans son école, qui se révèle important dans ce qu’il découvre sur lui-même, Kusano, le frère de Sonoko, parti à la guerre, et qui va demander au jeune garçon de préciser ses sentiments pour sa sœur et va refermer le piège sur lui.
Le contexte de l’histoire est celui de la Seconde Guerre mondiale : le narrateur est ainsi obsédé par le fait qu’il peut mourir à tout instant, explosé par une bombe largué par un avion ennemi, ou au front, héroïquement. Pour lui, il va mourir jeune, et surtout, seul. L’idée qu’il se fait de la mort est assez contraire à la nôtre habituellement : elle n’est pas grave, inévitable. Il en parle parfois comme s’il l’attendait. La réflexion qu’il se fait sur elle à la fin de la guerre m’a consternée : il va devoir vivre.
Le narrateur, tout le long du livre, cherche à cacher sa véritable identité, ses désirs, qui il est vraiment derrière un masque, d’où le titre de l’œuvre. Jamais personne ne le connaît vraiment, si ce n’est le lecteur. Il cherche même à s’abuser lui-même en tentant de faire adhérer ce qu’il est à son masque. Il veut absolument être « normal », il veut tomber amoureux d’une femme, se marier, connaître ce que les autres connaissent. Sa douleur, son mal-être, sa solitude aussi, sont exprimés par ses obligations qu’il se fixe, et par son échec, à chaque tentative. On ne peut se forcer à être quelqu’un que l’on n’est pas, à moins de renoncer au malheur et d’accepter la douleur d’une existence mensongère.
La fin m’a semblé sonner la fin du masque, mais de manière implicite. A partir des scènes choquantes, jusque là, je peux dire que je me suis sentie très mal, et que j’étais donc soulagée quand est arrivée la fin !
En définitive, un roman à l’écriture excellente, qui porte une réflexion sur le fait de cacher sa véritable personnalité, mais que je n’ai pas su apprécier en raison des scènes imaginées par le narrateur.