Redbluemoon

I found myself in Wonderland.

Blind Willow, Sleeping Woman de Haruki Murakami

Classé dans : Avis littéraires — 7 décembre 2015 @ 15 h 46 min

Blind Willow Sleeping Woman Genre : Nouvelle, Contemporaine

Editeur : Vintage Books

Année de sortie : 2007

Nombre de pages : 436

Synopsis : Here are animated crows, a criminal monkey, an ice man, as well as the dreams that shape us and the things we might wish for. Whether in a chance reunion in Italy, a romantic exile in Greece, a holiday in Hawaii or in the grip of everyday life, Murakami’s characters confront loss, or sexuality, or the glow of a firefly, or the impossible distance between those who ought to be closest of all. Following the success of Kafka on the Shore comes a collection that gives full rein to Murakami’s inventive mastery. From the surreal to the mundane, these stories exhibit his ability to transform the full range of the human experience in ways that are instructive, surprising and relentlessly entertaining.

 

Avis : J’ai lu il y a peu de temps un premier livre de Murakami, La fin des temps, que j’avais aimé, mais qui m’avait vraiment semblé trop étrange pour être un coup de cœur. J’ai voulu vite retenter l’expérience, cette fois-ci avec un recueil de nouvelles dont j’ai entendu beaucoup de bien.

Généralement, j’aime beaucoup les nouvelles. Courtes, claires, sans lacunes dans le style d’écriture et dans l’action du texte, elles sont souvent très percutantes, et comportent normalement une « vraie » fin. C’est également le cas ici chez Murakami. Les histoires racontées sont frappantes, très différentes les unes des autres, toutes profondes et assez tristes. Elles reflètent la vie tout en lui ajoutant des penchants fantastiques. Ce recueil n’est pas un coup de cœur, mais il n’en est pas loin. Les nouvelles provoquent toujours une émotion vive une fois qu’elles sont terminées : un choc, une incompréhension, une révélation. Il n’y a qu’une seule fin qui m’a laissé perplexe, celle de « New York Mining Disaster ». L’écriture quant à elle, est prenante, elle emmène le lecteur dans le monde de l’auteur, elle est parfois poétique, mais aussi impliquée dans la réalité, comme quand l’auteur nous dit qu’une nouvelle est directement reliée à sa propre vie. J’ai préféré « Birthday Girl », « The Mirror », « A Folklore for My Generation: A Prehistory of Late-Stage Capitalism », « The Seventh Man », « The Ice Man », « Chance Traveller » et « Where I’m Likely to Find it » aux autres nouvelles. Les thèmes principaux m’ont semblé être la perte, la mort, le deuil, mais aussi la capacité de se relever après avoir perdu un être cher.

« Blind Willow Sleeping Woman » est la première histoire du recueil. On y découvre un jeune homme qui emmène son cousin à l’hôpital ; pendant le trajet, puis, pendant qu’il l’attend, il repense à un de ses amis, à sa petite amie, et à l’histoire qu’elle racontait à propos d’une femme endormie, et des saules-pleureur qui causaient ce sommeil. La mort est présente dans cette nouvelle grâce à l’histoire, mais aussi plus directement. Le narrateur ressent toujours un sentiment de perte, accentué par le fait qu’il se trouve dans un hôpital et que sa vie ne semble pas prendre la direction qu’il voulait lui voir prendre. Derrière la poésie de la nouvelle se cache l’horreur de la mort, mais peut-être aussi celle de la métaphore de la vie vue par le narrateur. J’ai beaucoup aimé « Birthday Girl« , l’histoire des 20 ans d’une jeune fille qui doit travailler ce jour-là et va rencontrer son patron pour la première fois. Ce qui lui arrive semble irréel, et, pendant un moment, le lecteur peut avoir envie d’être à sa place ; mais le choix de la jeune fille est surprenant. La fin l’est également : elle peut être interprétée de différentes façons, et j’ai été très surprise par ce que j’en ai compris ! C’était une vraie nouvelle dont la fin est une chute inattendue qui laisse le lecteur scotché ! « New York Mining Disaster » m’a semblé assez triste, dans la mesure où les morts s’enchaînent sans cesse. L’ironie de la situation du narrateur est grinçante. En revanche, j’avoue que je n’ai pas compris le rapport entre l’histoire et la fin de la nouvelle … « Aeroplane: Or How He Talked to Himself as If Reciting Poetry » présente deux personnages dont l’un récite une sorte de poème dès qu’il est seul. L’autre veut lui en parler, ce qui donne la nouvelle. Elle semble évoquer le besoin d’évasion, et le malheur du second personnage entre en résonance avec ce besoin. Ce poème donne lui donne aussi l’occasion de parler au premier personnage, de lui révéler quelque chose sur sa vie. « The Mirror » m’a fait penser à une nouvelle fantastique de Maupassant ou de Poe ; j’ai eu peur en la lisant ! Le fantastique est distillé de façon à terrifier à la fois le personnage et le lecteur, qui se sent emporté dans l’histoire contre son gré, et se met à regarder les miroirs différemment. Dans « A Folklore for My Generation: A Prehistory of Late-Stage Capitalism« , l’auteur lui-même s’implique dans sa nouvelle, ainsi que sa génération en général, pour montrer une espèce de syndrome qui les frappent tous. J’ai beaucoup aimé cette nouvelle, à la fois profonde, triste, dont les personnages pensent qu’ils vont s’en sortir à la fin, alors qu’ils finissent par renoncer peu à peu à leur but. Le début de la nouvelle est une présentation des mœurs dans les années 1960, puis débute l’histoire particulière d’un homme, qui raconte sa jeunesse. Plusieurs narrations se croisent ici : c’est à la fois un dialogue et une histoire racontée par l’auteur à partir de ce qui lui a été raconté. Le dialogue intervient comme un commentaire des deux hommes, l’auteur demandant des détails ou une confirmation. L’histoire du jeune homme se prolonge dans sa vie adulte, jusqu’à la conclusion : « It seems to me that very sad things always contain an element of the comical ». Et pourtant, tout comme l’auteur, je n’ai rien trouvé de drôle à la nouvelle. Elle m’a touché, je me suis sentie très mal pour le jeune homme, et je me suis dit que la vie parfois joue des tours cruels à certaines personnes. La conclusion de l’auteur est brève, mais résume bien sa pensée sur la question du rire face à une telle histoire. Elle fait également réfléchir sur sa propre vie, et la place de la « fatalité » dans celle-ci.

« Hunting Knife » est une étrange petite nouvelle où le lecteur fait la rencontre de deux couples : deux jeunes mariés, et une mère et son fils. Le second laisse le premier perplexe ; il semble différent des autres, sans que l’on puisse l’expliquer. La rencontre finale amène une scène étrange, et une révélation qui l’est tout autant. La mémoire semble être problématique pour un des personnages, peut-être à cause d’un accident antérieur. « A Perfect Day for Kangaroos » présente une visite dans un zoo par un couple. Le quotidien est ainsi bousculé ; ce n’est pas grand-chose, et en même temps, ce doit valoir le coup. L’on voit ici que si l’on s’attend à quelque chose d’extraordinaire, l’on peut être déçu de trop avoir idéalisé la chose. « Dabchick » est étrange, et même fantastique à la fin. Il montre les possibilités du langage, celles de créer rien qu’en parlant de quelque chose qui n’existe pas ; celles de convaincre aussi, et de se jouer de son interlocuteur. Le hasard, le « sort », est visible ici, à la fin également. « Man-Eating Cats » part d’un fait-divers pour raconter la vie d’un homme, et de sa liaison avec une femme plus jeune que lui. L’action se passe au Japon, puis en Grèce ; le changement de cadre occasionne un changement de vie total. Une anecdote du narrateur, le jeune homme, est à l’origine de la fin de la nouvelle, qui m’a laissé perplexe. « A Poor Aunt’ Story » est peut-être la plus triste nouvelle du recueil. Le narrateur est un écrivain qui veut écrire à propos d’une pauvre tante ; il se met donc à penser à ce genre de personnes, ce qui lui apporte une étrange visite, qui va se changer en fardeau social. Cela peut montrer la façon qu’ont les gens de traiter un certain type de personnes, comment ce type est abandonné, et semble mort avant même de mourir. Il devient inexistant tout en vivant encore. « Nausea 1979 » traite de la culpabilité, selon le narrateur, d’un jeune homme immoral, qui s’en veut de faire ce qu’il fait sans s’en rendre compte. « The Seventh Man« , par l’histoire que le narrateur raconte, m’a bouleversé. J’ai ressenti la culpabilité du personnage, son mal-être, le fait qu’il se sente hanté par celui qu’il a perdu. La fin était un soulagement ! « The Year of Spaghetti« , toute petite nouvelle, traite de la solitude d’un homme obsédé par les spaghettis. Au début, le lecteur peut trouver l’anecdote drôle, surtout avec la façon de raconter de l’auteur ; mais la fin coupe court à l’humour en le mettant en face de la véritable signification de cette année de spaghettis. « Tony Takitani » raconte l’histoire d’un homme à partir de la jeunesse de son père. Cela explique le prénom étrange du personnage, qui ne sonne pas très japonais. La solitude est le centre de cette nouvelle : elle n’est pas gênante au début de la vie de Tony, mais devient intolérable à partir d’un certain moment. Il la quitte et ne veut jamais la retrouver. Un renversement de situation bouleverse (et détruit) la vie de Tony, le poussant à faire quelque chose de très étrange. La fin est très triste : il ne lui reste que des souvenirs. « The Rise and Fall of Sharpie Cakes » est clairement une nouvelle fantastique, même si elle ne peut être identifiée comme telle qu’à la fin. Un concours s’ouvre pour créer un nouveau gâteau Sharpie, et le narrateur y participe, ne sachant pas du tout dans quoi il se lance. L’entreprise m’a semblé complètement délirante, et au narrateur aussi apparemment !

« The Ice Man » est profondément triste, par la métaphore d’homme de glace qui traverse la nouvelle. La solitude, la douleur sont matérialisées par cette appellation. Le voyage final n’entraîne rien de bon, et la solitude, le froid et le désespoir qui les accompagnent finissent par devenir totaux. « Crabs » est ancré dans la réalité : un couple va manger du crabe dans un restaurant. Mais la façon corporelle de réagir des deux jeunes gens n’est pas la même, ce qui les désunit de manière définitive. Cette nouvelle m’a semblé montrer l’inconstance des sentiments amoureux pour certains, et le fait que le moindre petit défaut de trop peut complètement changer la perception que l’on a de l’autre. « Firefly » est la plus longue nouvelle avec « The Folklore …« . Encore une fois, la mort tient une place importante, et régit même la vie du narrateur : son poids lui fait voir la vie et les gens autrement. Cela engendre une réflexion sur elle, assez pessimiste et fataliste. La perte est également au centre de cette histoire, puisque le narrateur en fait l’expérience : elle est bien rendue par cette phrase, séparée du texte : « I waited for ever », et symbolisée par la luciole. « Chance Traveller » est encore une nouvelle dans laquelle l’auteur s’implique. Cela la rend d’autant plus réelle, et le lecteur veut croire à ce qui est racontée. Elle part d’une anecdote de l’auteur, pour aboutir à une preuve par l’expérience d’un de ses amis. C’est vraiment une de mes nouvelles préférées : d’une certaine façon, elle peut redonner espoir. L’action d’ »Hanalei Bay » se situe à Hawaii. Je ne veux pas raconter l’histoire, donc je vais simplement dire qu’encore une fois, la perte et la mort sont au centre de l’histoire, et une petite note fantastique s’y ajoute. « Where I’m Likely to Find it » est à la fois drôle et profond. Un détective doit retrouver un homme qui a disparu entre le 24e et le 26e étages de son immeuble. Au fil des discussions qu’il a avec les différents voisins, il semble vraiment qu’il mène une enquête ; jusqu’à la dernière, où il est clair que c’est autre chose qu’il cherche. Une petite touche de fantastique semble aussi s’être immiscée ici. « The Kidney-Shaped Stone That Moves Every Day » est une mise en abîme : un jeune écrivain qui a perdu l’inspiration tente de reprendre l’histoire qu’il avait commencée, et qui porte le nom de la nouvelle. Derrière cela, son leitmotiv amoureux, hérité de son père, mène sa vie, et le pousse à faire de multiples erreurs. La fin est une sorte de petite leçon sur la façon de ne pas diriger sa vie, et cela donne une certaine définition de l’amour : « What matters is deciding in your heart to accept another person completely. And it always has to be the first time and the last ». Enfin, « The Shinagawa Monkey« , nouvelle fantastique, porte sur la perte de son identité, et sur la capacité de l’homme à se cacher la vérité quand elle est trop difficile à supporter.

 

En définitive, un très bon recueil de nouvelles, que je recommande pour découvrir Murakami !!

2 commentaires »

  1. http://attrape-mots.blogspot.fr dit :

    Ta chronique est vraiment détaillé, j’adore! Tu me donnes envie de découvrir ce recueil, surtout quelle ne connais pas l’auteur ;)

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