Magnus de Sylvie Germain
Editeur : Folio
Année de sortie : 2012
Nombre de pages : 265
Synopsis : « D’un homme à la mémoire lacunaire, longtemps plombée de mensonges puis gauchie par le temps, hantée d’incertitudes, et un jour soudainement portée à incandescence, quelle histoire peut-on écrire ? » Franz-Georg, le héros de Magnus, est né avant la guerre en Allemagne. De son enfance, « il ne lui reste aucun souvenir, sa mémoire est aussi vide qu’au jour de sa naissance. » Il lui faut tout réapprendre, ou plutôt désapprendre ce passé qu’on lui a inventé et dont le seul témoin est un ours en peluche à l’oreille roussie : Magnus. Dense, troublante, cette quête d’identité a la beauté du conte et porte le poids implacable de l’Histoire. Elle s’inscrit au cœur d’une œuvre impressionnante de force et de cohérence qui fait de Sylvie Germain un des écrivains majeurs de notre temps.
Avis :Je ne connaissais pas du tout ce livre avant de savoir que j’allais l’étudier en cours. Le synopsis me donnait l’impression que le lecteur allait lire la vie d’un petit garçon. La couverture correspond bien à la description de l’ours du personnage principal.
Quel choc ! Ce livre m’a percuté, m’a frappé, j’ai été déboussolée, je ne pouvais pas m’arrêter avant d’avoir terminé le livre. J’ai trouvé que le synopsis mêlait les informations du livre, et permettait ainsi au lecteur d’être aussi étonné que s’il ne l’avait pas lu. Franz-Georg vit dans l’Allemagne nazie avec ses parents quand tout déraille. Sa petite vie rangée, bien qu’en partie oubliée, est bouleversée, il doit quitter sa maison. Je ne vais pas dire pourquoi, mais le fait est que le petit vit dans le mensonge depuis le début, sans le savoir. Il découvre peu à peu la famille qu’il pensait connaître, et sa vision d’homme détruit celle de l’enfant. En effet, ce n’est pas seulement la vie d’un petit garçon qui nous est racontée mais aussi celle de l’homme qu’il devient, et qui va tenter de trouver les réponses à ses questions. Celles-ci le poussent à voyager, à rencontrer de nouvelles personnes, à refaire sa vie, ou plutôt, un patchwork de vie ; en effet, dès le début du roman, l’auteur nous explique que la vie et le livre ne sont pas linéaires, et que donc, ceux-ci ne le seront pas non plus. Dans toute l’œuvre – excepté peut-être à la fin – une atmosphère d’ignorance et d’oubli baigne le personnage, qui ne parvient pas à se souvenir d’où il vient, mais il ressent également de la colère, de la haine, de la frustration face aux mensonges et à l’horreur de l’Allemagne qu’il a quittée. L’histoire a une vraie place dans le roman, puisqu’elle est un vrai fardeau pour le héros. Le petit ours de la couverture, Magnus, est tout ce qui reste au personnage principal de son enfance, et il va le suivre partout. Il apporte autant de questions que de réponses, et est pratiquement considéré comme un être vivant par le héros. Une scène vers la fin du passage à Vienne, m’a fait monter les larmes aux yeux : l’ours symbolise presque le héros, et le lecteur finit par s’y attacher. En parlant d’émotion, celle-ci est en grande partie due à l’écriture de Sylvie Germain, qui entrelace les mots et les fait vivre par eux-mêmes. Ils prennent un véritable poids, que le lecteur peut sentir en lisant. A partir de Vienne, la vie du héros devient insupportable. J’avais mal pour lui, je compatissais complètement à sa souffrance, que je n’ai pu qu’imaginer. Personne ne mérite de vivre une chose pareille. Sa culpabilité le pousse à voyager une dernière fois. Enfin, la forme du roman est originale, et agréable : l’auteure alterne les passages de la vie de Franz-Georg avec des pseudo-chapitres qu’elle appelle « Notule », « Résonances » ou « Séquence » selon ce dont ils parlent. Diverses œuvres littéraires sont mentionnées, dont une qui prend une importance considérable, puisqu’elle colle complètement au personnage principal.
Les concernant, le héros, dès le début, semble perdu dans sa vie. Il ne se rappelle rien avant un certain âge, et fait confiance à sa mère, qui lui raconte une épopée familiale à laquelle il veut croire. Au cours du livre, à mesure qu’il en découvre plus sur sa vie, il va changer plusieurs fois de noms, par obligation ou par choix. Son passé ne lui est pour autant jamais révélé, ce que j’ai trouvé assez décevant ; c’est sans doute pour cette raison que ce n’est pas un vrai coup de cœur. J’ai déjà parlé de la place de l’ours, Magnus, qui devient un personnage à part entière. Le héros est tout d’abord entouré par sa famille, Thea et Clemens Dunkental, Allemands prospères. La première semble aimer tendrement son fils, le protégeant autant qu’elle le peut du monde extérieur, même si cela veut dire lui mentir sur à peu près tout. Le second est très distant, froid, et ne semble rien ressentir pour son fils. Puis, Franz-Georg fait la connaissance de Lothar, un personnage auquel il est facile de s’attacher : il est bon, lucide et intelligent. Il a vite compris ce qui arrivait en Allemagne dans les années 30 et a tout fait pour s’en protéger avec sa femme et ses filles. La première, Hannelore, n’est pas un personnage très creusé, elle est simplement distante avec le héros ; les secondes, Erika et Else, semblent être des rayons de soleil dans la maison de leurs parents. Il fait ensuite la rencontre de May, une femme adorable, rayonnante, qui emplit la vie de chacun de lumière et de joie – c’est en tout cas, l’effet qu’elle m’a fait !-. Vient également Terence, un peu effacé, mais que pour qui le héros a une affection fraternelle ; Scott, qui devient un ami cher. Le lecteur fait aussi la connaissance de Peggy. J’ai d’abord eu du mal à m’attacher à elle, elle me semblait très froide, indifférente, surtout avec un certain passage qui m’a laissée sans voix ! Mais, peu à peu, à travers les yeux du héros, elle devient un être solaire que l’on apprécie. Enfin, Frère Jean est le dernier personnage rencontré, un être atypique, étrange, que l’on peut prendre pour un fou, mais qui semble avoir atteint une sagesse que les autres hommes ont peine à comprendre. Je l’ai apprécié, et ai trouvé la fin le concernant assez logique et belle.
La fin m’a un peu déçue dans le sens où elle n’apporte pas de réponses aux questions que l’on se pose sur le héros. Un passage nous offre presque un nom, mais nous l’arrache au dernier moment, comme pour nous narguer.
En définitive, un très bon roman choc, que je conseille fortement !
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