Le Colonel Chabert de Balzac
Editeur : GF
Année de sortie : 2011
Nombre de pages : 130
Synopsis : Tenu pour mort à la bataille d’Eylau, le colonel Chabert rentre chez lui après des années d’errance et de souffrance. Mais aux yeux du monde, il n’existe plus. Sa femme, héritière de sa fortune, est remariée et mère de deux enfants ; sa maison a été démolie ; la rue même où il vivait a été rebaptisée : l’Empire a cédé la place à la Restauration … Dépossédé de ses biens comme de son nom, l’ancien héros des guerres napoléoniennes se lance à cœur perdu dans une dernière bataille, pour recouvrer son identité. Y parviendra-t-il ? Le Colonel Chabert est l’histoire tragique d’un homme incarnant les restes sublimes d’une époque révolue.
Avis : Je n’ai lu qu’un seul Balzac auparavant, et je n’avais pas du tout aimé. Je n’avais pas accroché à la façon d’écrire, ni aux thèmes abordés. J’appréhendais donc un peu cette lecture. En plus, l’histoire ne m’inspirait pas énormément. J’avais de gros a priori.
A la lecture de la scène d’ouverture, je me suis dit que mon préjugé se révélait juste : j’ai eu très peur qu’elle me présage une mauvaise lecture. En effet, je n’ai pas du tout aimé cette scène ! Le vocabulaire utilisé n’est pas toujours compréhensible, et cela m’a donné une impression de rejet dès le début. Et pourtant, par la suite, j’ai vraiment aimé ! Le lecteur fait la rencontre d’un homme complètement abandonné par son pays ; il n’a plus d’identité, n’est pas reconnu pour ses exploits militaires, même pas pour qui il est vraiment. Par cet aspect, ce livre m’a fait penser au Vaisseau des morts de Traven, où le héros est considéré comme apatride, ne peut résider dans aucun pays, et pour qui la mer est le seul lieu de vie possible. Se trouve ainsi dans ce livre la forte critique d’une société qui ne reconnaît pas ses héros, et d’une justice qui ne sait pas établir ce qui est juste. L’argent semble la valeur première, ce qui motive les individus, ce qui les pousse à faire des choses impensables : faire d’un homme bon une véritable ruine. La trahison est présente partout, dans les représentants de la loi, dans les gouvernements, mais aussi dans la famille, là où elle fait le plus mal … D’ailleurs, le colonel Chabert n’en a plus vraiment. L’écriture est assez claire, agréable à lire, ce qui m’a surprise après ma déception du premier livre ; de plus, l’auteur utilise un langage adapté à ses personnages : les dialogues sont nourris d’argot quand cela semble nécessaire, et cela sonne vraiment de façon authentique.
Concernant les personnages, je me suis beaucoup attachée au colonel Chabert pour plusieurs raisons. J’ai ressenti une grande pitié pour lui. Il est d’une bonté admirable, émouvante, mais aussi d’une o qui indigne le lecteur. Même quand il est logique qu’il se défende, que ses droits sont réels, il ne le fait pas. Il est désespéré, et désespérant : quand le lecteur voit que sa bonté ne lui apporte rien de bon, il se demande à quoi cela sert d’être bon et gentil … Celui qui lit est déçu par ce qui arrive au personnage : il imaginait autre chose … De plus, le personnage se fait complètement manipulé, et ce, en raison même de sa bonté ! Il croit en la gentillesse, en l’amour, il pense vraiment que tout va s’arranger, qu’il peut trouver un compromis, et retrouver sa vie. Finalement, la résignation l’emporte : tout le monde le pense mort, il se demande s’il aurait dû le rester … L’avoué Derville, quant à lui, fait tout ce qu’il peut pour défendre son client. Il semble honnête, mais lui aussi est naïf, ce qui amène des situations désastreuses : il pense qu’il est le manipulateur et ne se rend pas compte qu’il est manipulé. Il n’a pas un mauvais fond, il pense bien faire, mais ne fait pas assez. La comtesse de Ferraud est la manipulatrice, celle qui mène la danse dans le livre. Elle est celle qui va réduire tous les efforts des autres personnages à néant. Elle est machiavélique, et profite de la bonté du colonel Chabert pour l’escroquer comme jamais. Son mari, quant à lui, est l’opportuniste par excellence. Il n’agit pas par amour, ne pense qu’à l’argent, qu’à sa carrière, qu’à la place qu’il peut se faire dans la société. Le lecteur découvre d’autres personnages dans ce livre, comme les hommes qui travaillent avec l’avoué, ainsi que les gens qui ont recueilli Chabert.
La fin m’a semblé décevante mais logique. La vie du personnage finit là où elle a commencé. J’avais espéré mieux pour récompenser la bonté de Chabert, mais, ce n’est pas ce qui compte dans la société. Il n’était plus utile, alors on s’en est débarrassé. J’ai trouvé que cela sonnait affreusement actuel … Mais c’est sans doute aussi ce qui fait de ce livre un classique.
En définitive, un très bon roman, assez court, qui nous présente un personnage bon, perdu, mort pour tous, et finalement, même pour lui-même.
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