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I found myself in Wonderland.

Le vaisseau des morts de B. Traven

Classé dans : Avis littéraires — 14 octobre 2015 @ 19 h 11 min

Le vaisseau des mortsGenre : Aventure

Editeur : La Découverte

Année de sortie : 2014

Nombre de pages : 286

Synopsis : Le bateau de Gerard Gale a quitté le port d’Anvers sans lui. Commence alors pour ce marin américain une odyssée à travers l’Europe des années 1920. Sans papiers, sans argent, il n’est plus rien, n’existe plus, chaque pays tente de se débarrasser de lui en lui faisant passer en douce la frontière la plus proche. Il s’embarque finalement sur la Yorikke, un vaisseau fantôme, un « vaisseau des morts », cercueil flottant voué au naufrage pour que l’armateur puisse toucher la prime d’assurance, et toujours assez bon, tant qu’il tient l’eau, pour se livrer à tous les trafics. Il y connaîtra l’enfer. Premier roman de B. Traven, publié en Allemagne en 1926, Le Vaisseau des morts dénonce capitalisme et inégalités sociales sans fausse candeur. Si le burlesque l’emporte dans les premières pages, le réalisme s’impose bientôt pour décrire les conditions d’existence de ceux qui, dépouillés de tous leurs droits, morts vivants, acceptent les indignité les plus scandaleuses, sans pourtant cesser d’espérer.

 

Avis : Dernier livre pour le cours sur la mer et le roman ! Je m’attendais à détester ce livre, ce n’est pas mon genre de lecture habituel. Et pourtant !

J’ai été agréablement surprise, si je peux employer ce genre de termes. C’est l’histoire d’un homme qui perd son bateau, et sa nationalité par la même occasion. Il est complètement abandonné de tous ; il est totalement seul, sans rien, contraint de mentir à tous sur tout ; et même quand il dit la vérité, il n’est pas cru. J’ai trouvé dans ce livre une vraie critique du gouvernement en général, ainsi que de l’administration : elle n’est pas là pour aider ceux qui ont besoin d’elle, mais pour les envoyer de bureau en bureau, pour les perdre dans ses tréfonds ; il critique également, et surtout, le capitalisme, qui est la bête noire du personnage principal : il l’apostrophe sans cesse, l’appelle César, et le glorifie ironiquement, montrant ainsi son injustice. Les riches passent d’abord, les moins-que-rien ne passent pas du tout, jamais. C’est à peine s’ils sont traités comme des humains ordinaires. Le personnage garde une certaine distance avec la situation, ce qui m’a sidérée ! Il sait qu’il est dans une situation dramatique, désespérante, et pourtant, il a l’air de se laisser porter par la vie ! Il va se faire chasser de tous les pays où il va se retrouver avant de tomber sur la Yorikke. Vaisseau de l’horreur, enfer des mers : je pense qu’il est difficile d’imaginer pire que ce bateau. Les hommes y sont traités pire que comme des animaux : quand ils sont vivants, ils ne sont pas traités du tout, mais morts, ils ne sont pas même respectés ! C’est une horreur qui glace le lecteur, car elle est réelle. Il est très aisé de se l’imaginer dans la réalité, malheureusement … Ici, la mer, qui représente normalement la liberté, devient une prison, un lieu duquel les personnages ne peuvent pas s’échapper. Ce n’est plus le lieu d’évasion dont les hommes rêvent ; il est impossible pour les héros de revenir sur terre après l’avoir quittée.  

J’ai vu, et c’est aussi pour cette raison que le professeur nous l’a donné à lire, un parallèle avec l’actualité dans cette œuvre : celle des migrants. Ce n’est pas vraiment la même chose en ce qui concerne le bateau, mais c’est bien ça en ce qui concerne le statut. Ils sont rejetés partout, de pays en pays, personne ne veut d’eux, et ils se retrouvent en pleine mer, à tenter d’aller dans un pays qui les acceptera. Ils ne sont pas considérés comme des êtres humains par certains, et peuvent bien se noyer, ça ne les dérange pas. Le personnage principal et ses compagnons d’équipage sont exactement dans le même cas : ils peuvent mourir, personne ne s’en soucie. 

Gerard Gale est le personnage principal : son nom n’est donné qu’une seule fois il me semble, et à la fin, je ne m’en souvenais plus : c’était peut-être le but de l’auteur, montrer que le personnage n’a finalement plus aucune identité, qu’il la perd sur le bateau. Il est conscient de l’horreur de sa situation, du désespoir qu’il doit ressentir, mais il tente de s’en détacher. Son recul m’a vraiment impressionnée : il est sans doute protecteur, pour ne pas sombrer dans la folie, une sorte de carapace contre la réalité. Ce n’est pas vraiment du courage, c’est plus de la résignation : il considère que, de toute façon, il ne peut rien faire contre ce qui lui arrive. Ce n’est pas lui qui dirige sa propre vie : elle est entre les mains de gens qui ne s’en soucient pas. Il a une certaine expérience de marin, et ne se retrouve pas sur le bateau de façon forcée : il « choisit » d’y monter. De plus, quelque chose m’a choqué à un moment dans le livre, une façon de réagir du personnage, une façon de s’adapter … La narration se fait à la première personne, ce qui nous rapproche forcément de Gerard : le lecteur s’attache facilement à lui. Certaines parties « lyriques » sont vraiment touchantes et émeuvent le lecteur : le héros est bien un être humain, oublié, mais que le lecteur, lui, n’oublie pas. Celui-ci a un tel sentiment d’indignation qu’à un moment donné, il peut se mettre à haïr la race humaine ! Stanislaw est un marin rencontré par le héros ; il est plus expérimenté que lui, et apporte des informations au lecteur sur la survie d’un homme sur un bateau fantôme. Il est finalement attachant, et devient un peu comme un frère pour Gerard. Le lecteur rencontre également d’autres personnages, comme les administrateurs, qui sont exécrables et indignent facilement celui qui lit, et les autres membres d’équipage de la Yorikke et d’autres bateaux (d’une tristesse …).

Le langage a une place bien particulière dans ce livre : l’humour noir et le cynisme sont utilisés pour cacher le désespoir qui pourraient saisir le personnage. Cela peut faire rire le lecteur parfois par la spontanéité de Gerard. Le lyrisme m’a paru étrange dans ce livre, je ne m’attendais pas à en découvrir ici, il donne des moments d’émotion où le lecteur se sent happé par l’histoire.

La fin est d’une tristesse … La carapace s’est fendillée, la folie et le désespoir s’y sont insinués. La religion ressurgit, ce qui sonne le glas de l’œuvre. On ne sait pas ce qui arrive au personnage principal, ce qui est très frustrant !

 

En définitive, c’est un livre très intéressant à découvrir, donc un bon choix de nom pour la maison d’édition !

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