L’Homme qui rit de Victor Hugo
Editeur : Pocket
Année de sortie : 2014
Nombre de pages : 762
Synopsis : Angleterre, fin du XVIIe. Un jeune lord est enlevé par une troupe de brigands et mutilé, la bouche fendue jusqu’aux oreilles. Abandonné durant une nuit d’hiver, l’enfant trouve refuge auprès d’un philosophe ambulant et devient saltimbanque, parcourant les routes et haranguant les foules aux côtés de son nouveau protecteur. C’est le début de quinze années d’errance pour celui qu’on surnommera, en référence à son visage défiguré, « l’Homme qui rit ». Mais, derrière ce sourire forcé, se cache une âme révoltée par l’arrogance de la noblesse …
Avis :Une de mes camarades de classe a fait un petit exposé sur ce livre en analysant deux passages du livre. Le lyrisme et la beauté des pages qu’elle a lues m’ont donné envie de le lire tout entier pour découvrir ce que je pensais être une merveilleuse histoire d’amour (je n’aime pas ça dans les livres récents, parce que c’est souvent à l’eau de rose, mais, dans les classiques, c’est souvent tragique, et là, j’aime). Seul petit hic : elle nous a lu la dernière page tout en nous disant que ce n’était pas la fin, alors que si … Je déteste les spoilers !!
Dès le début, j’ai eu du mal avec ce livre. Je comprends très bien qu’il faille installer l’intrigue, et qu’il faille des explications pour ce qui va arriver, mais je ne m’attendais tellement pas à ça que j’ai été déçue. Le livre commence par nous présenter Ursus, Homo et les comprachicos. Je me suis dit que c’était un passage obligé, étant donné que les deux premiers sont des personnages importants, et que les seconds sont à la base de l’histoire. On découvre ensuite Gwynplaine enfant. Ici, j’ai commencé à entrer dans l’histoire, et je me suis dit que j’allais rapidement m’attacher aux personnages. Mais on repart ensuite avec les comprachicos, et là … Je déteste les histoires en mer, les naufrages, et l’utilisation du vocabulaire ultra-technique de Victor Hugo à propos des bateaux et des consignes en mer ne m’ont pas du tout aidé. J’ai commencé à vraiment avoir du mal, et je me suis même dit que j’allais peut-être arrêter ma lecture. Mais j’avais envie de découvrir le passage lyrique, l’histoire de Gwynplaine et de Dea, jeune fille que j’avais trouvé éblouissante, même avec une seule page ! J’ai donc poursuivi, retrouvant Gwynplaine, mais le quittant presque immédiatement pour des histoires de lords. Bien sûr, cela a une importance pour l’histoire, mais les descriptions sont longues, et je me suis ennuyée parfois … C’est tout de même toujours intéressant de voir les intrigues de Cour, les manipulations que les grands utilisent entre eux, leur déconnexion de la réalité aussi, qui me semble toujours d’actualité. Ce n’est qu’au deuxième livre de la deuxième partie que j’ai retrouvé les pages lyriques que j’avais aimées, qui m’avaient émue. L’écriture de l’auteur est très belle, lyrique, et vise à transmettre une émotion authentique ; mais elle est aussi très alambiquée, compliquée. Il faut parfois savoir lire entre les lignes. Je ne vais pas tout raconter, mais par la suite, on alterne dans les différents univers que l’on a déjà entrevu, et la suite est plus plaisante que le début, même si ce n’est pas ce à quoi je m’attendais.
Les personnages, sans doute à cause des longues descriptions, ne sont pas vraiment attachants. Bien sûr, l’on a pitié d’eux. La misère tient la majorité d’entre eux, et les souffrances ne semblent pas prêtes de s’arrêter pour eux. Gwynplaine est déjà malheureux à cause de son visage, défiguré et déformé. L’auteur insiste énormément sur sa laideur, sur le fait qu’il ne peut plaire à aucune femme, et que son malheur est de faire rire les gens quand, en son for intérieur, il pleure ou se rebelle. C’est un personnage assez naïf, qui a connu les grandes misères de la vie, sans savoir ce qu’est le sexe. Lorsqu’il le découvre, il se sent souillé, et tente de s’arracher cette idée de la tête. Il est tourmenté entre différentes parties de sa vie, différentes personnes, et ne se rend pas tout de suite compte du jeu qu’est la vie pour les lords. Il va découvrir un monde très différent du sien, va l’appréhender avec sa candeur naturelle, et va se retrouver dans une misère encore plus profonde que celle qu’il a déjà connue. « Le mieux est l’ennemi du bien » : je pense que Gwynplaine représente bien cette expression. Il veut agir, mais en est incapable. Il veut faire ouvrir les yeux au monde d’en haut tout en restant dans le monde d’en bas, et essuie un échec cuisant à cause de sa malédiction. J’ai vraiment eu mal au cœur pour lui, et cela montre vraiment que les apparences comptent souvent plus que la réalité : le masque que l’on porte est celui que les autres voient, et ils ne se préoccupent pas de ce qui est au fond de nous, de notre véritable nous, de notre âme. Le personnage auquel j’ai vraiment pu m’attacher et qui m’a conquis dès le début est Dea. Elle est une étoile dans un monde d’obscurité, elle est tout pour Gwynplaine, et elle aussi peut faire mal au cœur. Aveugle, elle voit autre chose que ce que nous voyons normalement. Il y a, en effet, dans le livre, une vraie réflexion sur l’apparence et la réalité, incarnée à la fois par Dea et Josiane (surtout dans le passage de sa salle de bain !). Dea ressemble véritablement à un ange, elle est pure, douce, et mérite une vie toute aussi douce qu’elle. Sa cécité sonne comme une bénédiction et un palliatif à la malédiction de Gwynplaine. Josiane, quant à elle, est perfide, vicieuse, et manipulatrice. Le type même de la lady qui pense que le monde est à ses pieds, et qu’elle peut en faire ce qu’elle veut. On côtoie également des personnages comme Ursus, philosophe, médecin, un peu tout en fait, qui semble bourru et haineux envers le genre humain, mais qui n’est en réalité qu’un ours mal-léché, qui aime sincèrement ceux qui vivent avec lui ; Homo, loup civilisé, le pilier d’Ursus, qui les suit comme un chien ; Barkilphedro, l’ingrat par excellence, manipulateur et destructeur de vie, qui ne pense qu’à son bonheur, et à son argent. Les multiples lords nous montrent une facette de la noblesse que l’on connaissait déjà : leur indifférence face aux misères du peuple, et leur ignorance aussi. En effet, ce livre est aussi une réflexion sur la noblesse et son absence de conscience de ce que vit le peuple. Ils sont riches, et ne voient pas pourquoi ils aideraient le peuple. Les questions qui les concernent sont celles de leur argent, et pas des problèmes du petit peuple.
L’histoire d’amour entre Gwynplaine et Dea est une des plus belles que j’ai lues. Elle est pure, douce, platonique, rien de charnel ne la trouble, mais, à cause de cela, rien de concret ne les lie. Leur lien est spirituel, leurs âmes sont amoureuses, et leurs corps les gênent plus qu’ils ne les aident. Ils sont liés depuis leur rencontre, mari et femme sans l’être. Les passages qui racontent leur amour sont parmi les plus beaux que j’ai lus, et c’est pour cette raison que j’ai lu ce livre. J’ai aimé ma lecture grâce à ces pages. Mais je pense vraiment que sans les descriptions, trop nombreuses à mon goût, le livre serait encore mieux ! Par exemple, à la fin, Gwynplaine monte dans un bateau, et là, l’auteur ne trouve rien de mieux à faire que de nous décrire le bateau avec tout un tas de termes techniques au lieu de nous dire ce qui arrive au personnage. L’action est interrompue brutalement, et je trouve que ça empêche le lecteur de pleinement entrer dans l’histoire et de l’apprécier à sa juste valeur.
La fin est superbe de lyrisme, et d’une tristesse incommensurable. La vie ne peut pas être plus cruelle je pense. J’ai vraiment trouvé que Roméo et Juliette avaient trouvé leurs égaux !
En définitive, j’ai aimé ce livre pour son lyrisme amoureux, pour Dea, pour une belle histoire d’amour, pour des réflexions profondes, mais je trouve que les descriptions gâchent vraiment certaines scènes. Je me suis parfois ennuyée, et se fut une lecture laborieuse, mais je ne pense pas que je vais l’oublier de sitôt aux vues de la fin !
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