L’Héritage Boleyn de Philippa Gregory
Editeur : Archipoche
Année de sortie : 2011
Nombre de pages : 538
Synopsis : 1539. Henri VIII d’Angleterre épouse Anne de Clèves – faire alliance avec les Protestants est d’une importance stratégique. D’abord éblouie par les fastes de la cour, la nouvelle reine se sent vite prise au piège. Et surtout menacée par la très jeune Katherine Howard, nièce de l’ambitieux Thomas, duc de Norfolk … Faisant suite à Deux sœurs pour un roi, où Philippa Gregory racontait avec brio la rivalité de Marie et Anne Boleyn, L’Héritage Boleyn plonge à nouveau le lecteur dans les coulisses de la cour du monarque le plus craint de son temps.
Avis : J’ai lu Deux sœurs pour un roi il y a un moment maintenant, et je me souviens avoir vraiment adoré ! J’ai également lu The Constant Princess sur Catherine d’Aragon (adoré également). Je me suis donc dit que la suite ne pouvait pas me décevoir ! De plus, je trouve la couverture magnifique, et le titre assez ironique.
Petite précision avant de vraiment commencer : je lis la saga des Tudor dans l’ordre chronologique des événements qui surviennent dans les livres, pas dans l’ordre de publication. Quand je parle du premier tome de la saga, je parle de The Constant Princess. Je considère donc ce livre comme le troisième tome.
La Cour est un monde cruel ; depuis le premier tome, le lecteur l’a découvert. Et rien ne change dans ce nouveau volume. La nouvelle reine va bientôt découvrir que les amis n’en sont pas lorsque l’on séjourne en Angleterre sous Henri VIII. Le lecteur assiste ici aux événements qui ont suivi la mort d’Anne Boleyn (relatée dans le second tome) et celle de Jane Seymour. Le souverain recherche une quatrième épouse et laisse un de ses plus proches conseillers la choisir : Thomas Cromwell, qui privilégie donc Anne de Clèves. Dans les tomes précédents, le lecteur n’avait qu’un seul point de vue sur la situation : celui de Catherine d’Aragon, puis celui de Marie Boleyn. Ici, trois femmes nous racontent la vie à la Cour : Jane Boleyn, que j’avais détesté et qui m’avait dégouté dans le second tome, mais qui ici, semble nous montrer un autre aspect de sa personnalité ; Anne de Clèves, la nouvelle reine qui découvre la Cour et le roi. Elle aime l’Angleterre, adopte immédiatement ce nouveau pays, mais sa première rencontre que son époux est désastreuse, et marque son destin ; Catherine Howard, une jeune fille, et même, une gamine, qui semble ne rien avoir dans la tête. Ces trois femmes sont les opposées les unes des autres, ce qui nous donne vraiment des visions différentes des personnages ou des événements qui surviennent. De plus, le lecteur est ainsi sur plusieurs fronts, il est un peu omniscient, et se rend facilement compte du piège qu’est la Cour et de la perfidie des courtisans. J’ai retrouvé dans ce tome ce que j’avais aimé dans Deux sœurs pour un roi : un savant mélange d’intrigues de Cour complexes, de trahisons stupéfiantes, d’adultère, de folie, de passion qui fascine le lecteur. Les excès du roi d’Angleterre sont hallucinants et le lecteur n’en croit pas ses yeux. Certaines scènes montrent bien que la Cour fait tout pour contenter le souverain, même lui mentir si cela est nécessaire. Tout le monde semble comploter contre tout le monde, même au sein des familles, et une femme à qui vous confiait un secret peut signer, le lendemain, un témoignage qui prouve que vous êtes une sorcière, ou que vous avez tenté d’assassiner le roi. Dans cet endroit où les lions côtoient les serpents, le but ultime de tout individu est le pouvoir et l’argent. Toute l’intrigue n’a été montée que pour cela. Le bonheur est exclu de la vie courtisane, tout comme la volonté, car il faut suivre celle du roi, que l’on soit courtisan, dame d’atour ou reine d’Angleterre. Le souverain a droit de vie et de mort sur quiconque vit dans son pays. Tout comme dans le tome précédent, le roi châtie comme bon lui semble, et certaines morts sont vraiment atroces … Le lecteur ne peut pas même imaginer ce que l’on doit ressentir, que ce soit pendant l’attente ou pendant l’exécution. Concernant l’écriture, le traducteur (et donc l’auteur je suppose) a fait l’effort d’employer un vocabulaire d’époque afin de vraiment faire plonger le lecteur dans l’Histoire. C’est également un plaisir d’imaginer les divers lieux traversés par les personnages. Aussi, il y a tant de rebondissements d’un chapitre à l’autre, tant de pression sur les différents personnages que le lecteur est captivé et ne peut reposer le livre avant de l’avoir fini !
Le premier personnage que l’on rencontre est Jane Boleyn, un personnage abject que j’ai en horreur depuis Deux sœurs pour un roi. Je n’avais même pas parler d’elle dans mon article : je voulais seulement l’oublier. Ici, le lecteur semble découvrir une nouvelle facette de cette femme. En effet, dans le tome précédent, il avait le point de vue de Marie ; dans L’Héritage Boleyn, Jane a une version tout à fait différente de ce qui s’est passé en 1536, lors de la condamnation de son mari George, et de sa belle-sœur, Anne. Elle semble vraiment se repentir et m’a fait mal au cœur (je l’ai même plainte parfois !) : elle ne cesse de répéter qu’elle aimait George, et elle se sent coupable tout en se disant qu’elle ne l’est pas tout à fait. Les fantômes des morts la hantent, la poursuivent même dans les couloirs des lieux où elle vit. J’ai trouvé ce personnage assez paradoxal : d’un côté, elle est indépendante, elle sait ce qu’elle fait, c’est une manipulatrice patentée, et elle n’a besoin de personne pour comploter ; d’un autre, elle se sent le jouet du duc de Norfolk à qui elle obéit, quoi qu’il lui dise. Elle pense d’ailleurs qu’il est responsable de la mort de son mari. Elle se pense une honnête femme (ou cherche-t-elle à s’en convaincre ?) et une alliée de choix. Elle connaît toutes les ficelles de la Cour, ainsi que le roi. Elle se sent importante et nourrit des espoirs de retrouver un jour une vie « normale ». Elle est convaincue qu’elle ne mourra pas exécutée car elle sert le roi comme personne. Anne de Clèves, la nouvelle reine choisie par Thomas Cromwell pour Henri VIII, m’a tout de suite été sympathique. Elle ne ressemble ni à Marie ni à Anne Boleyn, elle n’a rien de charnel, et les histoires de cœur ne semblent pas l’intéresser. Tout ce qu’elle veut, c’est remplir son devoir et profiter de sa nouvelle liberté. Elle m’a, elle aussi, fait mal au cœur quand elle imagine tout ce qu’elle peut faire pour l’Angleterre et pour ses sujets. Elle rêve sa vie de reine, et se retrouve bien bas lorsque l’humiliation arrive. C’est un personnage très courageuse (elle m’a un peu fait penser à Catherine d’Aragon), douce et gracieuse, digne d’être une reine, même si, à son arrivée, elle est qualifiée de laideron sans charmes. La Cour, qu’elle pensait raffinée, se trouve être un lieu à la fois discipliné, craintif et débauché. Elle mène les choses comme elle le peut, mais n’a aucun pouvoir sans l’appui du roi. Ce qui lui arrive par la suite est à la fois affreux et merveilleux : affreux parce que c’est une humiliation publique, aux yeux du monde entier ; et merveilleux parce qu’elle est la seule à bénéficier de ce traitement. Son manque de rancune m’a surprise, mais cela prouve simplement que c’est une femme d’exception. Catherine Howard m’a, dès le début, parue agaçante, une gamine stupide, égoïste et vaniteuse, qui ne pense qu’à ce qu’elle possède ! Ses seules qualités sont de reconnaître ces défauts, mais aussi d’être tout de même sensible parfois. Elle se rend compte des erreurs qu’elle a commises contre des personnes qu’elle appréciait. Elle veut avoir l’apparence d’une reine, veut se faire respecter par tous, mais ses frivolités et ses manières la montrent comme une catin. J’ai eu pitié d’elle à de nombreuses reprises, malgré mon agacement : elle aussi rêve à sa vie, et s’imagine que rien de mauvais ne peut lui arriver. Elle pense que tout ira bien pour elle et pour ses proches, qu’elle a de bons alliés, qu’elle aime, et que la vie est belle. Henri VIII est vraiment un roi fou, un enfant gâté qui fait des caprices et qui casse ses jouets dans un excès de colère. Il est craint de tous, est devenu laid, adipeux, horrible, et se pense encore beau comme dans sa jeunesse, frais et jeune. Il m’a fait froid dans le dos à de nombreuses reprises : la vie ne tient qu’à un fil entre ses mains, il joue avec elle comme il jouerait avec des boules pour jongler. Il est tellement horrible que je n’ai pas réussi à avoir pitié de lui. Le duc de Norfolk est le manipulateur par excellence, sans cœur et sujet à la colère quand ses ordres ne sont pas respectés. Il m’a vraiment dégouté par son manque de parole, d’honneur et de loyauté. Il utilise les gens comme ses pions et ne se préoccupe pas de ce qui peut leur arriver ensuite. Il rêve (lui aussi !) d’être puissant, et son ambition l’amène à faire des choses à sa famille qui font froid dans le dos. Le roi et lui sont la face, et le dos d’une même pièce : l’horreur déclinée à la Cour. Le lecteur rencontre d’autres personnages plus ou moins importants : Thomas Culpepper qui prend peu à peu de l’importance et qui connaîtra le courroux du roi ; les demoiselles de chambre de Catherine, des débauchées qui ne connaissent ni la loyauté, ni l’honneur ; tout un tas de courtisans et de demoiselles, mais aussi des personnages historiques qui, pour la plupart, finissent mal, comme Thomas Cromwell, Margaret de la Pole, Marie Tudor, Elizabeth Tudor, Edouard VI et autres.
Encore une fois, ce tome montre la documentation de l’auteure. Bien qu’il y ait sans doute des passages inventés, elle a fait des recherches approfondies et nous offre un roman complet qui fascine et captive le lecteur, qui se retrouve vraiment plongé dans l’histoire de l’époque. Elle nous offre des portraits des personnages qu’elle semble connaître, ce qu’elle invente pour lier les événements entre eux est tout à fait cohérent, et j’apprécie vraiment sa façon de nous apprendre l’histoire de l’Angleterre tout en nous permettant de lire un roman passionnant.
La fin est multiple, au vu des différents points de vue. Pour Jane, le lecteur la voit enfin sous son véritable jour, et ne peut que la mépriser de tout son cœur. La note de l’auteure la concernant ne m’a pas vraiment étonnée. Pour Catherine, la fin était évidente, même si elle ne s’y attendait pas. Elle est très choquante quand on sait pourquoi elle advient ! C’est Anne qui clôt le livre par une espèce d’épilogue bienvenu !
En définitive, ce livre est un coup de cœur, un excellent roman historique captivant, où l’on apprend énormément de choses et où l’on vit vraiment l’ambiance de la Cour. J’ai tout de même préféré Deux sœurs pour un roi, qui ne me semble pas pouvoir être égalé ! Je lirais sans aucun doute la suite de cette saga !