Les Fourmis, tome 1 de Bernard Werber
Editeur : Le Livre de Poche
Année de sortie : 2012
Nombre de pages : 306
Synopsis : Le temps que vous lisiez ces lignes, sept cents millions de fourmis seront nées sur la planète. Sept cents millions d’individus dans une communauté estimée à un milliard de milliards, et qui a ses villes, sa hiérarchie, ses colonies, son langage, sa production industrielle, ses esclaves, ses mercenaires … Ses armes aussi. Terriblement destructrices. Lorsqu’il entre dans la cave de la maison léguée par un vieil oncle entomologiste, Jonathan Wells est loin de se douter qu’il va à leur rencontre. A sa suite, nous allons découvrir le monde fascinant de ces « infraterrestres », au fil d’un thriller unique en son genre, où le suspense et le mystère reposent à chaque page sur les données scientifiques les plus rigoureuses.
Avis : J’avais commencé ce livre il y a cinq ans, et l’avais arrêté brutalement. J’en avais gardé un souvenir confus, et me souvenais que je suivais une fourmi à la recherche de quelque chose dans une forêt. C’était donc assez vague ! Je m’y suis remise pour enfin découvrir le premier roman de Bernard Werber, mais aussi cette folle histoire de fourmis !
Je peux déjà dire que c’est une histoire unique en son genre. Je n’ai jamais vu d’autres romans qui traitent des fourmis, ou de la comparaison entre l’intelligence d’un insecte ou d’un animal et celle de l’homme. C’est à la fois étrange, surréaliste, et logique : l’auteur nous explique que l’on parle ici des deux grandes civilisations de la Terre, l’une géante comparée à l’autre, minuscule, deux civilisations qui ne se sont jamais vraiment rencontrées, et qui cohabitent en s’ignorant relativement, ignorant du même coup leurs avancées respectives dans la politique, ou la technologie. Celles-ci m’ont paru au centre de l’intrigue liée aux fourmis : le lecteur suit plusieurs d’entre elles et découvre des prouesses qui semblent inconcevables pour un si petit insecte ! Leur intelligence nous est clairement prouvée ici. De plus, le lecteur change complètement de point de vue dans ce livre, puisque, la plupart du temps, ce sont les fourmis les personnages principaux de l’œuvre ! La vie est très différente vue d’en bas, et très effrayante aussi : la moindre goutte d’eau peut tuer, une plaque noire ou des boules roses le peuvent aussi. Certains obstacles semblent insurmontables pour les êtres minuscules qui se trouvent en face d’eux, et pourtant, ils les bravent ! Est-ce du courage, un besoin de conquête, ou une insatiable soif de savoir ? Egalement, l’on découvre beaucoup de choses sur les fourmis en elles-mêmes : comment elles communiquent, leur mode de vie, leur façon de voir les choses, leurs « sentiments ». De plus, dans ce livre, la politique intervient, ce qui peut sembler étrange pour parler de fourmis : des tensions sont présentes dans la fourmilière, Bel-o-kan, des « complots » ont l’air de se fomenter, des reines tentent de cacher des choses à leurs sujets. Le lecteur se trouve aux côtés de cinq fourmis pour percer les secrets de l’arme secrète, mais aussi des fourmis à l’odeur de roches, et des galeries qui ne sont pas censées exister. Aussi, l’homme a une certaine place dans le livre, puisqu’il fait partie de la comparaison. Le lecteur découvre Jonathan Wells et sa famille. Ils ont l’air normaux, Jonathan a perdu son emploi, le couple a un petit garçon et vient d’hériter d’une maison. Quel lien peut-il bien y avoir entre lui et les fourmis ? Tout va se passer dans la demeure dont le jeune homme a hérité. Le suspense est palpable en ce qui concerne ce qui lui arrive, puisque le lecteur ne le comprend tout simplement pas ! C’est une énigme qu’il aimerait élucider, et il lui tarde d’envoyer d’autres personnages explorer l’endroit où les premiers se perdent.
Comme je l’ai dit, on suit surtout des fourmis : 103 683e, 56e, 387e, 801e, 4 000e. C’est un peu étrange de désigner des personnages par des numéros, mais les fourmis n’ont pas de noms, à part les reines, comme Belo-kiu-kiuni. Ce sont des noms étranges, que l’on peut avoir du mal à retenir s’ils apparaissent peu souvent. Dans tous les cas, ces personnages miniatures sont aussi complexes que ceux d’un roman « lambda », et même peut-être plus, puisqu’il nous est difficile de les comprendre tout à fait. Ils ne communiquent que par odeurs et contacts antennaires, ce qui reste incompréhensible pour nous, parce que nous ne pouvons pas vivre de cette façon. Comme l’explique L’Encyclopédie du savoir relatif et absolu (que j’ai retrouvée ici avec grand plaisir !), les hommes ne peuvent appréhender les contacts olfactifs, ce qui montre la difficulté de la communication entre les deux espèces. Pourtant, cela n’empêche pas le lecteur de les considérer comme de véritables personnages, des personnages qui le transportent dans un monde totalement nouveau alors même qu’il se trouve sous nos pieds. Dans ce livre, l’on se sent vraiment proches de la nature puisque l’on est immergé dedans, complètement plongé dans un univers étranger, inconnu. Je ne sais pas si l’on peut vraiment appliquer des adjectifs humains pour qualifier les fourmis, mais elles m’ont semblé très courageuses, ingénieuses, intelligentes (évidemment, le livre traite de cela !), mais aussi, elles vivent en collectivité. Il est rare qu’une fourmi vive seule : quand elle part en expédition, elle revient toujours vers sa fourmilière une fois sa mission achevée. Contrairement aux autres animaux, dans ce livre, elles n’ont pas l’air complètement déterminées par l’instinct animal, elles influent sur ce qui leur arrive et peuvent prendre des décisions qui les sauveront ou les perdront. Concernant les humains, Jonathan et sa famille sont une famille typique, normale, à qui il va arriver quelque chose d’exceptionnel. L’on ne s’attache pas forcément à eux, parce que l’on est surtout concentrés sur les fourmis. A la fin, je les ai franchement plaints ! Je ne pourrais pas vivre de cette façon !
Se trouve dans ce livre une réflexion sur l’univers qui nous entoure directement, mais sur l’univers qui pourrait nous entourer, un univers plus grand que nous, où les humains pourraient être des fourmis. C’est effrayant de l’imaginer car le monde des fourmis est fait de dangers constants : elles sont toujours sur le qui-vive, elles peuvent toujours se faire tuer sans comprendre pourquoi ni comment. Leur vie ne tient qu’à un fil, bien plus que la nôtre ! Les insectes plus gros qu’elles deviennent de véritables prédateurs : le passage de l’araignée est parlant, et la façon de désigner les lézards dans le glossaire est significative ! Tout est plus grand et plus effrayant dans leur monde, et c’est terrifiant de se dire que nous pourrions vivre la même chose !
La fin est, pour moi, divisée en deux parties. Les mondes des fourmis et des humains se retrouvent dans les deux cas. Pour la première partie, j’ai trouvé ça fascinant. L’on se demande comment c’est possible, et c’est à ce moment-là qu’il faut se rappeler que c’est de la science-fiction. C’est très bien imaginé et l’on a presque envie de croire que c’est vrai ! La seconde partie est affreuse ! Après nous avoir fait voir les fourmis d’une autre façon, après nous les avoir fait respecter, l’auteur utilise deux personnages humains pour nous montrer la fragilité de la vie fourmi. La dernière scène donne envie de savoir ce qui va arriver dans les tomes suivants !!
En définitive, un vrai bon livre de science-fiction, qui nous fait voir le monde autrement, mais aussi les fourmis, que l’on ne peut plus regarder comme de vulgaires insectes minuscules ; il nous fait aussi réfléchir sur l’univers, et nous donne envie de lire la suite des aventures des fourmis ! Je le conseille rien que pour avoir un autre éclairage sur le monde, et pouvoir penser différemment.