Redbluemoon

I found myself in Wonderland.

Hors champ de Sylvie Germain

Classé dans : Avis littéraires — 18 mars 2015 @ 20 h 30 min

Hors champGenre : Contemporaine

Editeur : Le Livre de Poche

Année de sortie : 2012

Nombre de pages : 185

Synopsis : En l’espace d’une semaine, Aurélien, un homme ordinaire, va progressivement disparaître. Il est de plus en plus hors champ, perdant jusqu’à sa voix, son odeur et son ombre. Au fur et à mesure de cette genèse à rebours, il sort aussi de la pensée et de la mémoire des autres, même de ses proches. Cet effacement intensif s’opère au grand jour, dans l’agitation de la ville, à l’aune de tous les naufragés qu’on ne regarde plus et qui ne comptent pour personne.

 

Avis : Ce livre m’a été prêté sans que je m’y attende. Je ne connaissais pas du tout l’auteure, je l’ai donc découverte à travers cette œuvre.

Le synopsis m’a intrigué. Je trouve l’idée très originale : un homme qui disparaît peu à peu de la vie de tous, et même de la vie en général, qui n’a plus de matérialité, plus de consistance, plus d’impact sur le monde. J’avais hâte de voir comment l’auteure avait rendu cet effacement progressif. Et, grâce (ou à cause) du synopsis, on sait déjà ce qui va advenir, ce que le personnage va vivre. Reste à savoir comment tout cela va s’opérer.

On commence par entrer dans la vie d’Aurélien, ainsi que celle de Biedronka et Joël. Tout est tout d’abord normal. On découvre la vie du « frère » du personnage principal, et le livre m’a tout de suite intéressé grâce à la vision qu’il donne du lecteur : un invité de l’auteur, quelqu’un qui peut faire ce qu’il veut du texte, et sur lequel l’écrivain n’a aucune prise, même s’il tente de lui donner des pistes à suivre. J’ai aussi eu l’impression que c’était une façon pour l’auteure de nous dire de lire son livre comme nous le désirions : comme une histoire fantastique, un roman un peu étrange, ou une métaphore de toutes ces personnes que l’on oublie, qui s’effacent jour après jour sous nos yeux. D’ailleurs, l’allusion aux clochards et aux marginaux peut renforcer cette lecture. Il est également possible d’y voir une métaphore des gens qui s’effacent parce qu’ils ne font rien de spécial dans la vie, parce qu’ils se sentent inutiles. Le lecteur prend donc une voie de lecture, comme il est invité à le faire par l’auteure implicitement. Autre chose : l’auteure écrit très bien. Elle utilise parfois des mots compliqués, mais la qualité de sa langue est évidente. De plus, la mise en page des jours est assez intéressante, et représente bien l’histoire d’Aurélien. Aussi, certains passages m’ont vraiment émue : j’ai senti tout le désarroi de la situation, la tristesse profonde d’une disparition progressive dont personne ne se rend compte. J’ai parfois ressenti un sentiment de malaise, dérangeant, envahissant, et je me suis mise dans la peau d’Aurélien : c’est assez insupportable de s’identifier à lui.

Concernant les personnages, Aurélien est le principal, alors même qu’il disparaît. En effet, s’il s’efface de la vie, s’il devient flou, il est le centre de ce livre, ce qui est assez paradoxal. Il est parfois troublant de s’identifier à lui, parce que l’on a parfois vécu ce genre de situation où l’on a l’impression de ne pas exister parce que l’on n’est pas écouté, parce que l’on est ignoré, parce que personne ne fait attention à nous. Il m’a parfois fait pitié, parce qu’il tente tout pour ne pas s’effacer. Il perd toute sa vie, tous ses proches, Clothilde, Biedronka, Joël, ses amis, Maxence, Anaïs, Thibaud. Il ne comprend pas ce qui lui arrive, et la réalité de sa situation le frappera d’autant plus fort. J’ai beaucoup aimé le personnage de Joël : passé d’un jeune homme qui avait l’avenir devant lui, plein d’espoir, de rêves et d’idées, à un homme brisé dans un fauteuil, qui ne peut parler normalement, et dont les idées, les rêves et l’avenir se sont échappés. Son journal, retrouvé par Aurélien, semble profond, et promettait un homme radieux. Et, envers Aurélien, il est dans une situation particulière tout le long du livre, une situation qui m’a touchée jusqu’à la fin. Clothilde semble cruelle tant elle évite le personnage principal qui vibre d’amour pour elle. C’est parfois vraiment émouvant. Les sentiments qu’il a pour elle nous la font apprécier : elle est décrite comme douce, amoureuse, drôle et pleine d’humour, alors même qu’elle nous paraît tout le contraire. Les autres personnages semblaient également sympathiques vus par les yeux d’Aurélien, bien qu’elles ne le semblent pas dans le livre, étant donné leur attitude envers lui qui n’est plus qu’un mirage.

La fin, concernant Aurélien, était d’un côté évidente, et de l’autre choquante. On aurait pu s’attendre à autre chose, et, en même temps, c’était prévisible. Pour les autres personnages, je l’ai trouvé assez triste. Ils ont perdu quelqu’un sans le savoir, l’ont complètement oublié, et pourtant, peut-être reste-t-il quelque chose de lui en eux ?

 

En définitive, un livre intéressant, émouvant, qui nous met mal à l’aise et qui nous laisse une impression amère de tristesse en plus de nous forcer à réfléchir sur nos vies.

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