La guerre de Troie n’aura pas lieu de Jean Giraudoux
Editeur : Larousse (Classiques)
Année de sortie : 1959
Nombre de pages : 111
Synopsis : Hélène, enlevée par Pâris, est réclamée par les Grecs. Mais la plupart des Troyens, fascinés par sa beauté, refusent de la rendre. D’âpres négociations s’ensuivent. Les partisans de la paix l’emporteront-ils ? Avec cette relecture de la mythologie antique, Giraudoux s’adresse aussi à ses contemporains : en 1935, la Première Guerre mondiale est encore dans les mémoires. Et la pièce, qui interroge le caractère éternel des conflits armés, fait surgir la menace d’une nouvelle tragédie, peut-être imminente.
Avis : J’ai déjà lu ce livre une première fois il y a trois ans, et je me souviens avoir adoré, mais je ne pensais pas que la seconde lecture me ferait le même effet !
Ce livre raconte les négociations entre Hector et son peuple, puis Hector et les Grecs pour éviter la guerre avec la Grèce, et pour rendre Hélène, enlevée par Pâris, à Ménélas. Rien que le titre nous fait comprendre le suspense qui va peser sur toute la pièce : dans la véritable histoire, la guerre a lieu ; avec ce titre, on peut penser qu’elle ne sera pas. Mais chaque réplique, ou presque, nous fait douter. J’ai aimé parfois la poésie des répliques, comme celle d’Ulysse avec les battements de cils d’Andromaque et Pénélope, mais j’ai aussi pesé l’ironie et le cynisme d’autres répliques, qui montrent l’absurdité de la situation mais aussi d’une guerre que les Troyens désirent du fond du cœur, sans vraiment savoir ce qu’elle signifie vraiment il semble – ou pire encore, s’ils le savent, puisqu’ils vont au-devant de la mort en souriant, et pour aucune raison vraiment valable.
Concernant les personnages, depuis que je connais la légende de Troie, je suis très attachée au couple Hector/Andromaque. Ils m’ont encore ému ici. Ils sont sincèrement amoureux, et ne désirent que la paix pour vivre l’un avec l’autre, surtout avec le petit Astyanax qui n’est même pas encore né. J’ai espéré avec eux. Ils m’ont semblé qu’ils représentaient ici l’amour et la lucidité : ils savent que la guerre ne leur apportera rien de bon. Andromaque, à un moment, prône même la lâcheté en disant que seuls les courageux meurent à la guerre, et qu’il faut avoir plier les genoux ou baisser la tête pour vivre encore. En revanche, en opposition totale avec le couple Hector/Andromaque, je n’ai jamais apprécié celui de Pâris et Hélène. Ils incarnent la fausseté et, dans la mythologie, la faute. Cela ferait meilleure impression s’ils ressentaient l’un pour l’autre un amour passionné : il n’en est rien. Hélène ne semble absolument pas attachée à Pâris : elle est là, elle bouge, elle parle, voilà tout. Pâris, lui, semble être le jeune inconséquent qui fait ce qu’il veut sans penser aux autres. Encore une fois, cela aurait pu être beau si l’amour avait effectivement été présent. Mais il ne se passe rien sentimentalement parlant entre eux. J’ai aimé le personnage d’Hécube, qui m’a souvent fait sourire de par les répliques qu’elle lance aux personnages comme Démokos ou Abnéos. Elle est cynique, et aussi lucide que son fils Hector. Elle est accompagnée de la petite Polyxène, qui incarne l’innocence. Elle pose les questions d’une enfant, comme « Qu’est-ce que c’est la guerre ? ». Les autres personnages sont à genoux devant Hélène, qu’il voit comme l’incarnation de la beauté. Ils prônent la guerre, et veulent qu’elle ait lieu, comme, semble-t-il, tous les autres Troyens. Le personnage d’Ulysse est porteur d’un message du destin semble-t-il : si la guerre doit avoir lieu, même si Hector et Ulysse étaient frères, elle aurait lieu. Les hommes n’y peuvent rien, c’est le hasard et les dieux qui la décident. Oiax est celui qui fera tout basculer. Cassandre, un des personnages que j’apprécie le plus dans la mythologie grecque, est également présente, et, avec Hélène, elle parle de l’avenir de Troie, qu’elles voient à peu près de la même façon. La fatalité pèse sur Troie rien que par la présence de la prêtresse maudite.
Cette année, j’étudie la Troisième République en France, et, forcément, je passe par la Première Guerre mondiale. Or, notre professeur d’histoire nous a parlé de La guerre de Troie n’aura pas lieu dans ce contexte, et, relue avec cet éclaircissement, la pièce prend une tout autre dimension. Elle montre l’exaltation absurde d’une guerre qui ne fait que séparer des familles, faire tuer des hommes qui n’ont rien demandé. De plus, de par les chants écrits par les poètes, l’auteur montre que les intellectuels étaient pour la guerre, la montrer comme bonne, et encourager les hommes à partir combattre. Cela montre aussi qu’ils exaltent quelque chose qu’ils ne connaissent pas et qu’ils stimulent sans savoir ce qu’elle est vraiment, et surtout, ce qu’elle peut faire. Le fait que la guerre prenne le visage d’Hélène pour Démokos montre aussi comment les hommes de l’époque voyaient la guerre : belle, honorable parce que les hommes sont courageux, braves, des héros. Hector, Andromaque et Hécube ne font que contredire ses éloges sans que ceux qui la prônent ne se remettent en question.
La fin est terrifiante. Elle a lieu d’un coup, comme ça, abruptement. On n’a vraiment pas le temps de s’y attendre. Cela m’a donné des frissons, parce que l’on sait ce que cela signifie.
Une pièce excellente que je recommande fortement ! Elle met en scène des personnages mythologiques et une histoire très connus tout en la colorant du contexte de l’époque de son écriture.
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