Ils partiront dans l’ivresse de Lucie Aubrac
Genre : Historique
Editeur : Points
Année de sortie : 2007
Nombre de pages : 266
Synopsis : Mai 1943 – février 1944 : neuf mois de la vie d’une résistante exemplaire, enceinte d’un second enfant, qui aide quatorze personnes à s’évader, passe les douanes en contrebande, ravitaille les clandestins en faux papiers et les collabos en confiture au cyanure. Voici le journal d’un combat pour la liberté, qui est aussi une affaire de vie ou de mort …
Avis : J’avais très envie de lire ce livre pour découvrir le point de vue de Lucie Aubrac, une femme résistante, sur l’occupation de la France, sur la Résistance, et sur comment elle l’a vécue. Résultat : mon avis est assez mitigé sur ce livre.
Tout d’abord, l’auteure nous explique que ce livre n’est pas vraiment un journal parce qu’il n’était pas possible d’en tenir un pendant la guerre, et surtout en étant résistante. Elle a donc recomposé la période qu’elle raconte grâce à ses souvenirs et à ceux de ses proches, comme son mari Raymond, ou les personnes qui étaient autour d’elle et qui ont survécu à la guerre. Je ne sais pas pourquoi, mais cela m’a un peu refroidie. J’aurais dû m’y attendre, puisqu’en tant que résistante, Lucie Aubrac ne devait laisser aucune trace de ses activités clandestines, ni même de sa vraie vie : elle prenait le risque que des preuves tombent aux mains des Allemands qui auraient pu démanteler toute la Résistance avec ce qu’elle raconte ici. Mais je pensais retrouver un peu la spontanéité du journal d’Anne Frank, le fait de raconter jour après jour les sentiments que l’on a eu dans la journée, d’être au cœur de l’événement.
Bien entendu, l’auteure nous plonge tout de même en pleine France de 1943-1944, occupée, pillée, rationnée et où les hommes doivent se cacher pour échapper à la Milice ou à la Gestapo. Mais je ne suis parvenue à entrer dans l’histoire qu’à certains moments bien précis, où j’ai pu m’identifier au personnage. Le reste du temps, j’étais ébahie et admirative de tout ce que Lucie Aubrac faisait pour sauver son mari. L’amour qui les unit transpire dans ce livre : il lui permettra de faire évader Raymond trois fois ! L’auteure est vraiment une femme exceptionnelle, même s’il semble qu’elle se sente petite dans tout ce réseau de résistants. Elle pense à toutes les actions héroïques réalisées par d’autres qu’elle, actions qui ne seront jamais célébrées parce que jamais connues et reconnues. Elle nous pousse à de ne pas oublier la solidarité simple qui peut naître dans un village pour sauver une poignée de clandestins, et pour leur permettre d’atteindre l’Angleterre et la sécurité, alors qu’eux restent en France, aux mains de l’occupant, à cacher d’autres hors-la-loi. De plus, l’auteure partage toutes ses aventures avec une écriture simple et facile à suivre. Une seule chose m’a peut-être un gênée : le mélange de noms fictifs et de noms réels (à la fin, je ne savais plus vraiment quels noms étaient les vrais), la surabondance de rues, de quartiers et d’arrêts de métro de Lyon, mais aussi de villages, de villes et de lieux autour de la métropole (ne connaissant pas du tout Lyon et ses environs, je ne savais pas du tout où tous ces endroits se trouvaient).
J’ai trouvé originale l’idée de l’auteure de raconter une période de sa vie de résistante en la liant à sa vie de mère, puisque les neuf mois relatés dans le journal sont les neuf mois pendant lesquels Lucie Aubrac a porté sa petite fille, Catherine. Le début du livre nous raconte d’ailleurs la fin du voyage ! J’ai également apprécié la portée symbolique de ce nom pour la mère et la fille : cette résistance a marqué leur vie entière à toutes les deux.
Je ne pense pas vraiment pouvoir parler de personnages ici, puisque les personnes qui apparaissent ont réellement existé. Lucie Aubrac parle énormément de Raymond, son mari, qu’elle tente de faire évader de prison, mais aussi de son fils, Jean-Pierre, qu’elle tente de protéger de sa vie de résistante. L’amour qu’elle leur voue est agréable à lire, et nous montre le courage de cette femme, qui a tout fait pour ceux qu’elle aimait. Elle parle également de nombreux résistants, chefs de mouvements ou « simples soldats ». Comme je l’ai dit, je me suis un peu embrouillée dans les différents noms. J’ai retenu celui de Maurice surtout, très proche de Lucie Aubrac et qui l’aide comme il le peut. Barbie est un homme cruel, qui aime faire souffrir et qui torture pour obtenir ce qu’il veut. Encore une fois, l’auteure reste très courageuse face à lui. De plus, face à des hommes qui décident qu’elle est un homme parce qu’elle a des qualités masculines et qu’elle agit comme eux, elle réagit comme une féministe et les rembarre proprement, ce qui montre aussi son caractère et son tempérament !
La fin montre l’aboutissement de l’attente de Lucie Aubrac : elle est à Londres, avec ceux qu’elle aime, elle est sur le point d’accoucher. Tout ce qui l’attriste est que la France n’est toujours pas libérée, et qu’elle ne peut plus la défendre comme elle le faisait. Son pays, sa région, ses proches lui manquent. Malgré tout, j’ai trouvé dommage qu’on ne sache pas ce qui arrive à certaines personnes qui étaient proches de Lucie Aubrac, comme Maurice, les parents de Raymond, la sœur de Lucie. On ne sait rien d’eux après la guerre. Une postface traite de l’extradition et du transfert de Klaus Barbie à Lyon pour qu’il soit jugé pour ses crimes contre l’Humanité. Il semble que Lucie Aubrac ait publié ce livre pour que celui-ci soit jugé comme il se doit, et non qu’il salisse la Résistance et qu’il minimise les actions des Français en les traitant de terroristes. Elle a voulu montrer la Résistance de l’intérieur, et je trouve qu’elle a bien réussi, même si ce livre n’est pas un coup de cœur pour moi.
En définitive, un livre à lire parce qu’il nous fait vraiment entrer à l’intérieur de la France résistante, mais aussi de la France occupée. Même si ce n’est pas un coup de cœur, il vaut le coup, et nous dresse le portrait d’une femme courageuse qui a lutté pour ceux qu’elle aime et pour que son pays retrouve sa liberté.