Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire
Editeur : Présence Africaine
Année de sortie : 2014
Nombre de pages : 92
Synopsis : « Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi, les cheveux dans le vent, ma main petite maintenant dans son poing énorme et la force n’est pas en nous, mais au-dessus de nous, dans une voix qui vrille la nuit et l’audience comme la pénétrance d’une guêpe apocalyptique. Et la voix prononce que l’Europe nous a pendant des siècles gavés de mensonges et gonflés de pestilences, car il n’est point vrai que l’œuvre de l’homme est finie que nous n’avons rien à faire au monde que nous parasitons le monde qu’il suffit que nous nous mettions au pas du monde mais l’œuvre de l’homme vient seulement de commencer et il reste à l’homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur et aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l’intelligence, de la force et il est place pour tous au rendez-vous de la conquête et nous savons maintenant que le soleil tourne autour de notre terre éclairant la parcelle qu’à fixée notre volonté seule et que toute étoile chute de ciel en terre à notre commandement sans limite. »
Avis : J’ai dû lire ce livre pour les cours, et j’avoue que je n’étais pas emballée du tout. En lisant la première page, je me suis dit que j’allais détester.
Il est vrai que le lecteur n’est pas vraiment – et même pas du tout ! – accueilli dans ce livre. Il se fait insulter dès la première page, et cela ne donne pas envie de continuer la lecture. Mais il faut voir au-delà de cela. Il faut tout de même continuer pour comprendre. L’auteur est venu en France pour étudier et il retourne en Martinique, son pays natal. Il se sent complètement déchiré entre les deux : la première lui a apporté son éducation, mais elle a détruit la seconde, « dynamitée d’alcool », ruinée, sale et sordide. L’image que l’auteur donne de l’île est très loin du paradis que les touristes attendent aujourd’hui. Il a connu l’envers du décor, il se souvient de l’esclavage, des mauvais traitements des blancs envers les noirs, de la colonisation forcée. Il ne peut pas pardonner cela, et, en même temps, il s’est intégré dans la société occidentale, il est « devenu blanc ». Il parle souvent de lâcheté et d’inanité : en effet, il se sent lâche, notamment dans le tramway, lorsqu’il décrit un noir, qu’il nomme « un nègre », qu’il se moque de lui, et répète trois fois qu’il est comique et laid. Le besoin d’une révolte, la revendication de celle-ci se fait bien sentir tout le long de l’œuvre. Par la suite, le poète semble se faire le porte-parole de ce qu’il appelle « sa race » ; il devient son guide, et démonte les clichés et les préjugés des blancs sur les noirs. Ce poème est vraiment un texte fort, peuplé de cris jamais poussés, de larmes jamais versées et de la peur d’un retour dans un pays auquel l’on n’appartient plus complètement. Enfin, il est progressif : il semble aller de la rage, de la revendication et de la haine à la délivrance, à la liberté, et à la révolte.
Le style de Césaire est décousu, et il est parfois difficile de comprendre ce qu’il veut dire, d’aller au-delà des images qu’il emploie. Certaines sont suffisamment claires, d’autres pas du tout. La dénonciation de la colonisation se fait clairement sentir, comme lorsqu’il parle de la religion, du fait que les noirs n’aient rien créé, rien inventé, rien découvert. L’on voit ici la colonisation et la Martinique par les yeux de quelqu’un qui vient de cette île, qui a un point de vue radicalement différent de tout ce que l’on a pu lire là-dessus. Enfin, le poète utilise le français, la langue natale des colons, de façon assez hermétique, ainsi tout le monde ne peut pas comprendre ce qu’il dit, et pour les dénoncer, retournant ainsi contre eux quelque chose qui leur appartient.
En définitive, un poème profond, déchirant, qui mène à la liberté et a sans doute redonné espoir à plus d’un.
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