Genre : Théâtre
Editeur : Librio
Année de sortie : 2012
Nombre de pages : 94
Synopsis : « Une femme d’ordinaire est pleine de crainte, lâche au combat et à la vue du fer, mais quand on attente aux droits de sa couche, il n’y a pas d’âme plus altérée de sang. » Après le fabuleux voyage des Argonautes, Jason prend pour femme celle qui l’a tant aidé dans la conquête de la Toison d’or : Médée. De sang royal mais d’origine barbare, elle restera toujours l’étrangère à Corinthe. Est-ce la raison qui pousse Jason, dix ans plus tard, à rompre leur alliance pour une autre plus avantageuse avec la fille du roi Créon ? Outragée et délaissée avec ses deux fils, Médée est prête à tout. Rien n’arrêtera sa violence, et son intelligence redoutable sera au service de la pire cruauté … Première œuvre entièrement consacrée à Médée, la tragédie d’Euripide a donné à ce personnage mythologique une dimension telle qu’il ne cesse, encore aujourd’hui, d’inspirer les plus grands écrivains.
Avis : Comme j’aime beaucoup la mythologie grecque, je me suis intéressée à des mythes comme celui de Médée (j’avoue aussi qu’à cause de certains cours, je suis obligée de lire beaucoup de tragédies grecques …) Je connaissais vaguement l’histoire de Médée et Jason, mais ce livre m’en a encore appris plus. Par contre, je ne connaissais pas du tout la pièce des Troyennes.
Médée. Je comprends tout à fait la haine de Médée pour son mari : qui ne détesterait pas celui qui l’abandonne pour une autre alors que l’on n’a tout sacrifié pour lui ? Il est vrai que Médée est très intelligente : elle joue parfaitement la comédie, elle sait comment utiliser les poisons, comment les rendre indétectables et infliger une mort horrible à ses ennemis. La question de la justice est ici posée : est-ce que les ennemis de Médée mérite vraiment ce qui leur arrive ? Bien sûr, on ne peut pas transposer cette pièce à notre époque, on ne peut pas vraiment s’imaginer ce que cela peut avoir comme conséquences de se faire répudier dans l’Antiquité. De nos jours, chez certaines femmes, les hommes défilent, elles se marient cinquante fois, et cela ne dérange personne : elles font ce qu’elles veulent. Mais à l’époque, une femme n’a de valeur que par rapport à son mari. Lorsque Médée trahit son pays pour Jason, elle lui fait confiance, elle met sa vie entre ses mains. Et lorsqu’il la répudie, il l’anéantit complètement. Elle n’a plus aucune chance d’avoir une vie correcte après ça. Elle n’a nulle part où aller, elle n’a plus de famille à part ses deux fils, elle n’a pas d’alliés excepté Egée. Il est normal qu’elle veuille se venger : après tout, le roi et sa fille connaissent l’histoire de Jason et savent qu’il est marié. Elle peut paraître aveuglée par sa haine, mais l’on se rend compte que ce qu’elle fait est très réfléchi, qu’elle y a longtemps pensé avant de mettre son plan à exécution. Elle s’en prend à ceux qui l’on trahit, à ceux qui l’ont humilié de la pire des manières. Et lorsqu’elle massacre ses enfants, elle explique pourquoi. D’un côté, on peut penser qu’ils n’auront vraiment aucun avenir étant donné ce qu’a fait leur mère. D’un autre, comment une mère peut-elle massacrer ses enfants de cette façon juste pour se venger de son mari ? Ils sont quand même tout ce qui lui reste ! Je me suis aussi dit que son explication était faussée par le début de la pièce, lorsqu’elle regarde ses enfants avec haine : elle les tue peut-être simplement parce qu’elle ne supporte pas leur vue. On peut dire que cette façon d’agir n’est pas juste : eux n’ont pas mérité ça, même si leur mort a des répercussions sur Jason, qui n’a plus rien.
Les Troyennes. J’ai trouvé cette pièce très émouvante, comparée aux autres pièces antiques que j’ai déjà pu lire. La détresse des Troyennes est horrible, tout d’abord parce qu’elles n’ont rien fait pour mériter ça. Elles ne sont que les victimes d’Hélène, qui prétend avoir été enlevée par Pâris, alors qu’Hécube fait remarquer qu’elle n’a pas tenté de fuir de Troie, ni d’alerter quelqu’un pendant son enlèvement. Le désespoir des femmes est principalement exprimé par Hécube, qui a tout perdu : son royaume, son mari, ses enfants, sa dignité, sa liberté. Elle sera emmenée en esclavage en Grèce, comme les autres femmes. Le cas de plusieurs Troyennes célèbres est évoqué ici. L’on voit Andromaque être emmenée par le Grec qui l’a choisi. Son fils, Astyanax lui est arraché car il est susceptible de rebâtir Troie quand il sera plus grand, étant donné qu’il est le fils d’Hector. Leur séparation est vraiment émouvante. L’on s’imagine très bien la scène. Cassandre apparaît également, et je pense que son cas est particulièrement affreux : elle est une des prêtresses d’Apollon, mais il l’a maudite car elle s’est refusée à lui. Jamais personne ne l’écoutera et ne croira ce qu’elle dit. Ainsi, elle a juré d’être chaste toute sa vie, et elle prédit tout ce qui arrivera à Troie sans que personne ne l’écoute jamais. Elle voit également la mort de sa mère, la sienne et celle de celui qui va l’emmener en Grèce, Agamemnon. Elle voit même la malédiction des Atrides. Lorsqu’elle apparaît dans la pièce, tout le monde pense qu’elle est en délire total, alors qu’elle voit simplement l’avenir. Elle sera emmenée par Agamemnon qui la prend pour femme, et souhaite, évidemment, consommer son mariage. Ainsi, Cassandre se voit comme celle qui maudira la lignée des Atrides. Elle parle de sa mort par la hache, ainsi que de la vengeance d’un fils, Oreste, sur sa mère, Clytemnestre. Sa détermination est déchirante, parce que tout ce qui a constitué sa vie jusqu’à maintenant, elle doit l’abandonner. Enfin, l’on voit le sort d’Hélène, celle à cause de qui Troie a été détruite, qui est censée être mise à mort en Grèce sur ordre de son mari, Ménélas. En voyant cela, on peut se demander pourquoi la guerre de Troie a eue lieu, à quoi elle a servi, dans la mesure où à la fin, l’objet de la guerre est finalement détruit.
En définitive, deux pièces très instructives, dont la deuxième est vraiment émouvante. Je les conseille à ceux qui aiment la mythologie grecque, mais aussi à ceux qui s’interrogent sur la justice et l’intérêt de la guerre.