Madame Bovary de Gustave Flaubert
Editeur : La Bibliothèque
Année de sortie : 2009
Nombre de pages : 545
Synopsis : C’est un géant. La taille haute, le corps massif, le regard clair, Flaubert, né la même année que Baudelaire à l’hôtel-Dieu de Rouen où son père est chirurgien, est le Viking de la littérature. Il consacrera cinq ans à Madame Bovary, rivé à sa table de travail, moine au service de l’art, écrivant quelques lignes par jour, raturant, reprenant, corrigeant inlassablement, se tuant à la tâche. Comme Stendhal ou Baudelaire, Flaubert cherche une issue au romantisme. Il l’achève, au deux sens du mot, comme Bonaparte achève la Révolution : il l’accomplit et il y met fin. Madame Bovary se situe à la jonction entre romantisme et naturalisme. Madame Bovary paraît d’abord en 1856 dans la Revue de Paris, fondée par Maxime Du Camp quelques années plus tôt. Du Camp, toujours amical, avait écrit à Flaubert : « Tu as enfoui ton roman sous un tas de choses bien faites, mais inutiles. On ne le voit pas assez. Il s’agit de le dégager. C’est un travail facile. Nous le ferons faire sous nos yeux par une personne exercée et habile. » Au dos de la lettre de Du Camp, Flaubert écrivit simplement : « Gigantesque ». Dans le rôle inattendu de critique littéraire, Mgr Dupanloup, cité par les Goncourt, crée la surprise en voyant plus juste que Du Camp : « Madame Bovary ? Un chef-d’œuvre, Monsieur. Oui, un chef-d’œuvre pour ceux qui ont confessé en province. » Avec Balzac, le visionnaire, avec Stendhal, le Milanais égoïste et mélomane, Flaubert, le bûcheron, le besogneux qui sent l’huile, diront ses adversaires, le patron, diront ses partisans, est l’un des trois fondateurs de notre roman moderne.
Avis : Comment ne pas connaître Madame Bovary ? Il fait partie de ses classiques dont on entend parler régulièrement, dont on connaît l’histoire, mais que l’on n’a jamais lus. Peut-être que le fait d’entendre trop parler d’un livre nous dissuade de le lire. Etudes littéraires obligent, je me suis lancée dans cette lecture, qui ne m’a pas laissé la même impression que certaines personnes qui m’en avaient parlé.
Les premières pages nous présentent un personnage ridiculisé tout le long du livre : Charles Bovary. Dès le début, il est présenté comme un garçon timide, mal à l’aise et un peu stupide, qui ne comprend pas ce que l’on veut de lui, et qui n’agit jamais comme on le voudrait. On peut se demander qui raconte la première scène, puisque l’auteur utilise un « nous », qui ne reviendra jamais dans toute l’œuvre, écrite à la troisième personne, même si parfois, on se retrouve dans la tête de certains personnages, comme Emma lorsqu’elle rêve. Cette première entrée en matière nous montre déjà que l’auteur ne semble pas porter ses personnages dans son cœur et qu’il risque de les malmener au fil des chapitres.
Nous découvrons Emma dès le deuxième chapitre de la première partie : le fait qu’elle ne soit pas présentée en premier peut montrer que, tout le long du livre, elle sera reléguée au second plan. Elle l’est déjà ici par l’auteur. Déjà, dans ses pensées, on comprend qu’elle a longtemps rêvé l’amour, et elle jette ce désir sur le premier homme qui la remarque, à savoir Charles Bovary, à qui elle ne correspond absolument pas. Elle rêve de voyages, de Paris et de libertés, quand lui préfère la stabilité, son chez-lui. Ils se ressemblent si peu, que l’on se demande vraiment pourquoi ils finissent par se marier. Par la suite, Emma se rend compte que son rêve est impossible, en tout cas avec Charles, et elle décide de l’humilier en cachette, en prenant un amant. Elle pense vraiment qu’elle sera heureuse de cette façon et qu’elle ne sera pas une maîtresse comme les autres, qu’elle sera aimée plus que les autres, et même exclusivement. Avoir un amant est pour elle fantastique. Mais elle finit par être abandonnée et pense au suicide. Pourquoi continuer à vivre sans amour ? Elle l’oublie pourtant, la peur de la mort l’empêchant de passer à l’acte. On se rend vite compte qu’Emma est très égoïste : elle ne se soucie de Charles que rarement, dans des espèces d’excès de tendresse, et sa fille est très peu mentionnée par elle, excepté quand elle va la rechercher chez la nourrice. Elle ne pense qu’à elle, et ne fait pas attention aux choses matérielles comme l’argent, qui finira par lui manquer. Elle ne se prive de rien, et par là, prive son mari et sa fille de quelque chose qui leur revient pourtant de droit. Elle en veut à Charles de l’avoir épousé et reporte sa haine sur lui. Elle ne se remet pas en question et finit par fuir les problèmes de façon définitive.
Les autres personnages, comme le pharmacien Homais, ont parfois autant d’importance que les personnages principaux. Ils prennent le dessus sur les autres, comme Rodolphe et Léon avec Emma, ou Homais, qui est le dernier personnage dont on parle, le seul qui ait atteint son but. Lorsque l’auteur nous livre les pensées des amants d’Emma, l’on se rend compte que l’amour n’est pas réciproque, et même, on sait qu’Emma ne les aime pas non plus. Elle les désire, se raccroche à eux pour échapper à l’ennui de sa vie. Ils ne semblent rien ressentir à sa mort. Seul Justin, qu’Emma ne considéra jamais vraiment, éprouve quelque chose lorsqu’elle meurt.
La vie d’Emma est marquée par de multiples émotions fortes. Elle est l’incarnation du Romantisme. Tout d’abord, elle rêve d’amour à la lecture de certains livres, puis elle se marie, pensant qu’elle va connaître la passion que les ouvrages lus lui ont montrée. Mais elle ne la trouve pas auprès de Charles. Elle la découvre avec ses amants ; puis la ferveur religieuse, la haine, le suicide. Emma semble être une force qui veut aller, mais qui ne peut pas trouver le bonheur qu’elle recherchait.
On découvre, à la fin du livre, qu’Emma, qui se croyait aimée, n’est pas même respectée par les autres personnages. A sa mort, personne ne semble vraiment ressentir de tristesse à part l’homme qui l’a aimé et qu’elle a détesté : Charles. Les autres s’ennuient, mais restent par politesse. A son enterrement, certains ne viennent pas, d’autres négligent les codes vestimentaires. Personne n’a réellement de compassion pour elle. Bien qu’elle soit décrite dans le roman comme belle, délicieuse, majestueuse comme une reine parfois, elle n’est pas aimée, comme elle l’a toujours voulu.
A la fin du roman, les morts des personnages sont présentées de façon particulière : quand celle d’Emma est longue et douloureuse, celle de Charles est très rapide, il ne s’en rend sans doute pas compte. Elles sont à l’image de leur vie. Emma meurt de façon spectaculaire quand Charles s’éteint de façon insignifiante. De plus, il est « vide », comme sa vie.
Tout le long du livre, l’auteur nous montre son habileté stylistique. Les choses ne sont jamais vraiment dites, elles sont souvent implicites, sous-entendues, et l’on met parfois du temps à les comprendre. Par exemple, la scène de la calèche avec Léon est significative, comme la promenade dans les bois avec Rodolphe. Mais l’auteur ne dit pas clairement ce qui se passe, il le laisse entendre en donnant juste des indices spatio-temporels, ou des réflexions que se fait Emma après l’action. C’est très subtil, et cela donne encore plus de relief à l’histoire.
En fin de compte, j’ai bien aimé ce classique, qui montre bien les opinions de Flaubert sur le romantisme et les femmes qui s’imaginent trouver la vérité dans les livres. C’est une œuvre riche très agréable à lire.
4 commentaires »
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Merci pour cette nouvelle participation, cette fois-ci avec un classique ! je l’ai lu plusieurs fois déjà et je le relirai pour ce challenge, c’est un grand roman, contente qu’il t’ai plu
Ravie de savoir que je ne suis pas la seule à l’apprécier ^^ beaucoup de personnes ne l’aiment pas et j’appréhendais de le lire à cause de ça.
Un roman que l’on compare souvent à Anna Karenine. Grace à Bianca, nous aurons le bonheur de nous replonger dans ces deux oeuvres majeures.
Je les ai toutes les deux aimées, et je pense les relire un jour. As-tu préféré Anna Karénine ou Madame Bovary ?